La justice environnementale à travers une écologie décoloniale

Les sociétés occidentales ont basé leur idée du développement sur l’exploitation des populations et de l’environnement. La hausse des émissions de gaz à effet de serre (GES) affecte actuellement notre climat. En moins d’un siècle, les équilibres biochimiques du système terre ont été mis en danger et nous risquons de quitter l’Holocène vers un nouveau climat, incertain pour la prospérité de l’humanité.

L’Afrique, faible émetteur de GES, sera sans doute le continent le plus touché par ces changements climatiques et par le réchauffement global d’origine anthropique (désertifications, hausse des niveaux marins, érosions, cycles hydrologiques, catastrophes naturelles…). En Occident, ces changements affecteront davantage les personnes noires, racisées mais aussi les plus vulnérables. Actuellement, les enjeux liés à l’écologie sont monopolisés par les occidentaux, le capitalisme ainsi que par une vision techno-scientifique. Cet article cherchera donc à démontrer qu’une décolonisation du milieu écologiste est nécessaire afin d’éviter l’exclusion à la fois des personnes racisées mais aussi des pays non-occidentaux.

Le racisme environnemental et la justice climatique

Le concept de racisme environnemental, né aux Etats-Unis dans les années 1980, établit un lien entre l’origine ethnique et la localisation des décharges toxiques. Durant cette période, le mouvement de lutte pour les droits civiques était très important et les afro-américain.e.s y ont rajouté les enjeux environnementaux.

Parallèlement, la justice climatique tente de résoudre les inégalités face aux effets des changements climatiques, qui affectent davantage les personnes racisées ainsi que les anciens territoires coloniaux. Ces inégalités sont d’une part écologiques (accès aux ressources) et d’autre part environnementales (pollution et ses conséquences). Il est important de mettre en avant ces inégalités, car la question environnementale est souvent traitée de façon globale, comme si nous étions tous égaux face aux causes et conséquences des changements climatiques.

Par ailleurs, le racisme environnemental peut s’exprimer par deux types de dynamiques, à savoir « une qui s’exerce à l’encontre d’une communauté d’un pays et une autre qui s’exerce par un pays sur un autre pays » (Mediapart, 2020). Ces dynamiques créent alors des inégalités car il existe une forme de discrimination basée sur l’environnement : installation de déchets toxiques, d’incinérateurs, d’essais nucléaires et d’industries polluantes aux abords de quartiers où vivent les minorités ethniques et plus pauvres. Les conséquences sont ensuite nombreuses : exposition aux sols et eaux pollués, difficultés d’accès aux ressources naturelles (eau potable et énergie), vulnérabilité face aux évènements climatiques extrêmes et aux changements climatiques… (Médiapart 2020).

Un exemple détaillé de racisme environnemental est celui du chlordécone aux Antilles. Ce pesticide toxique, qui a été utilisé pendant plus de 20 ans dans les bananeraies de Guadeloupe et de Martinique, est un perturbateur endocrinien, neurotoxique et cancérogène reconnu par l’OMS en 1979. La France l’a interdit en 1990 mais il a été utilisé jusqu’en 1993 grâce à des dérogations et des stocks illégaux ont été trouvés jusqu’en 2002. Il se retrouve dans l’environnement, l’eau, les végétaux et les animaux durant plusieurs siècles. Plus de 90% de la population en Guadeloupe et en Martinique en est contaminée et souffre de nombreux cancers et autres maladies (Mediapart, 2020). Les victimes ont ainsi été délaissées par l’Etat français pendant de nombreuses années. Emmanuel Macron est le premier président à avoir reconnu la responsabilité de l’Etat et à avoir lancé une politique de dépollution. Mais le chemin est long et les victimes n’ont pas encore été indemnisées. De nombreux autres exemples existent, à savoir l’intoxication des agents d’entretien, qui sont le plus souvent des femmes racisées, par des produits de nettoyage, l’urbanisme et la gentrification dans les quartiers populaires, la pollution atmosphérique importante dans ces quartiers populaires…

Certains écologistes accusent la société industrielle comme seule responsable des désastres environnementaux. Néanmoins, il est important de rappeler que ce désastre est le fruit de l’association du (néo-)colonialisme, du concept moderne de nature et du capitalisme.

Concept occidental de la « nature », capitalisme, (néo-)colonialisme

L’Europe Occidentale a développé un concept de la nature qui est séparée de l’être humain (sujet) : elle est vue comme un objet, une ressource. Cette conception dualiste permet de voir le monde comme un ensemble de ressources naturelles et de légitimer son exploitation. Par ailleurs, l’objectivité rationnelle scientifique a souvent servi à justifier un regard patriarcal, blanc et colonial sur le monde.

Ensuite, le développement économique rapide de l’Occident, au travers de la colonisation et par la suite du (néo-)capitalisme, est basé sur l’exploitation de la nature et des personnes, c’est-à-dire des personnes racisées, précaires ou encore mal-payées ainsi que des populations des anciennes colonies, des « pays du sud » ou en « voie de développement » que l’Occident tente de « développer » (Mediapart, 2020). L’Occident impose son système économique ainsi que des mécanismes ingénieux visant à cadenasser l’économie de ces pays. Les illustrations les plus parlantes sont celles du Franc CFA, des nombreux territoires français d’Outre-Mer ou encore de l’accaparement des ressources naturelles et des territoires par les multinationales.

L’écologie décoloniale

« La couleur de l’écologie n’est pas le vert, mais le blanc » (La nature est un champ de bataille, Razmig Keucheyan, 2018)

La colonisation est directement liée à l’écologie, puisque ce sont les empires coloniaux qui ont dominé des peuples dans le but d’exploiter les ressources naturelles de ces territoires. L’écologie décoloniale intègre les systèmes d’oppression qui existent autour du racisme systémique, mais aussi de la classe sociale, du genre, de l’orientation sexuelle… (Mediapart, 2019). Par exemple, les personnes racisées et pauvres sont jugées pour leurs modes de consommation « polluant » alors que les personnes blanches les plus aisées se félicitent de vivre de façon éco-responsable, selon un mode de vie zéro-déchet… Par ailleurs, une personne racisée ne s’identifie pas souvent aux courants écologistes occidentaux et sera alors accusée de désintérêt pour la cause environnementale, alors qu’elle se sent tout simplement exclue du débat. Il existe donc une grande différence à souligner entre le désintérêt et le sentiment d’exclusion .

À titre d’exemple, la militante écologiste Ougandaise Vanessa Nakate a été effacée d’une photo par l’agence de presse américaine AP lors du forum de Davos en 2020, alors que les autres jeunes militantes, toutes blanches et comprenant Greta Thunberg, sont restées sur la photo de presse finale.

Pour terminer sur une note positive, il existe énormément d’organisations et d’initiatives endogènes en faveur du climat. De plus, des activistes et experts de tous les horizons œuvrent déjà pour sauver notre biodiversité et mettre en œuvre des plans d’actions pour que les populations les plus précaires puissent s’adapter à ces changements. Enfin, l’écologie décoloniale semble être une meilleure approche car elle prend en compte l’intersectionnalité des différentes discriminations subies par les personnes racisées, les différentes minorités de la société, et se veut aussi être anticapitaliste.

Gloria SOTON

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Sources :

2 réflexions sur “La justice environnementale à travers une écologie décoloniale

  1. Hello, hello

    Merci pour cet article très intéressant et enrichissant.
    Je suis tjs très heureuse de vous lire.
    Seriez-vous intéresser par une interview sur mon blog?
    Merci d’avance pour votre réponse

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