L’Égypte antique dans les Mouvements Afro

Depuis la seconde moitié du XXe siècle, l’Égypte antique jouit d’une véritable aura auprès des historiens, activistes, militants et mouvements de lutte afro. A tel point que certains se qualifient même comme étant kémites ou kamites, faisant ainsi référence au terme “Kemet” (terme à priori utilisé par les Égyptiens de l’Antiquité pour désigner leur pays).

Une aura qui mène souvent à une divergence de points de vue dans les milieux scientifiques. C’est également un facteur utilisé pour désigner des mouvements historiquement activistes et militants -souvent de manière péjorative- d’afro-centristes.

Cette aura nous pousse donc à nous poser des questions telles que “Comment elle est apparue ?” ou encore “D’où vient-elle” ? Et d’autres questions pour lesquelles des éléments de réponses figurent dans cet article.

Tout d’abord, il est nécessaire de remonter au XVe siècle qui est marqué par un large élan de colonisation de nouveaux territoires mais aussi d’appropriation et d’exploitation des populations. Cela prend forme notamment par la traite négrière, l’esclavage ou encore le travail forcé. Ces actes sont justifiés religieusement comme scientifique par toute forme d’infériorisation voire d’annihilation des corps, des cultures, des croyances, du raffinement mais aussi de l’histoire des personnes colonisées. Les communautés africaines et noires sont particulièrement touchées.

Ce qui explique qu’on se retrouve dans les années 1960 et jusqu’en 1970 avec un milieu scientifique encore imbibé des anciens clichés coloniaux et qui ne pense pas que l’Afrique ait une histoire sauve quand il s’agissait de l’Égypte ancienne.
Elle fascinait les occidentaux depuis l’expédition menée par Napoléon et qui, parce qu’elle était une grande civilisation, était encore définie comme étant blanche du point de vue des scientifiques et présentée comme tel dans les cours d’égyptologie au sein des facultés francophones.

C’est à ce moment-là qu’intervient Cheikh Anta Diop.

Diplômé en philosophie et en chimie nucléaire mais surtout engagé dans la lutte anticoloniale, il va partir du principe que l’Égypte était une civilisation noire et qu’au-delà de ça, cette civilisation serait la source de toutes les civilisations, empires et peuples d’Afrique subsaharienne.

Il se base sur des études de comparaison qu’il fait entre l’égyptien ancien et certaines langues d’Afrique subsaharienne comme le Sérère ainsi que le Wolof. Ceci alimente sa connaissance autant de façon académique qu’au travers de recherches personnelles.
Tout en créant le premier laboratoire de datation au carbone14, il expose ses résultats dans divers ouvrages comme “Nations nègres et culture”.
Il rompt complètement avec les idées scientifiques de son temps. Il lance en même temps des arguments qui serviront de terreau à la pensée afro centriste qui nait dans les années 80.

L’afrocentrisme est un mouvement qui a pour objectif de “mettre en lumière l’identité et les contributions de l’homme noire à l’histoire du monde” selon Molefi Asante, activiste afro centriste américain. Alors quand on connaît ce but, on comprend mieux la manière dont les mots de Cheikh Anta Diop se retrouvent dans son public car l’égyptologue et les afro centristes luttent pour des causes communes.

Par ses démonstrations et son postulat Cheikh Anta Diop veut sortir l’Homme noir des clichés par lesquels on a justifié sa domination et lui permettre de retrouver une certaine identité qui lui aurait été volé par la colonisation. Parce que l’Histoire quelle qu’elle soit, a souvent été l’outil d’unification d’un groupe de gens autour d’événements et de personnage témoignant la grandeur d’un peuple. C’est sur cela que se s’est construit ce qu’on appelle “le roman national” des différents états européens au cours des périodes de colonisation du continent africain dont “ le fait qu’ils n’aient pas d’histoire “ justifierait la position de dominé.

Cependant, les théories de Diop sont confrontées à des critiques du milieu scientifique comme de la part de l’historien Afro-américain Clarence E Walker qui fait une critique plus globale de l’afrocentrisme.

Il critique le fait que Diop essentialiserait des cultures africaines à la simple couleur de peau, effaçant leurs singularités. Ce sont des civilisations trop diverses dans leurs cultures, leurs traditions, leurs histoires et croyances.
Il y a aussi une essentialisation dans la signification de la notion de peuples excluant l’hybridation qu’a connu l’Egypte. Diverses dynasties de différentes origines ont régné sur le pays : nubiens, grecs, sémites, berbères.

En somme, l’Égypte ancienne est une civilisation tellement fascinante que son histoire fait l’objet de revendications diverses parce que plusieurs personnes s’y projettent et en font également un support de causes humaines actuelles plus grandes.

En effet, quelle que soit la part de vérité scientifique dans ses propos, Cheikh Anta Diop permet de faire remarquer qu’on a trop souvent voulu reléguer l’Afrique subsaharienne au second plan d’une part et d’autre part qu’elle a une histoire qu’on se doit de rechercher et qu’on peut revendiquer.

Hélas, la quête est loin d’être finie. Présent en 2007 à Dakar, le président français Nicolas Sarkozy déclarait : “l’Homme Africain n’est pas assez entré dans l’Histoire”. Voici une preuve du fait que l’historiographie africaine n’est qu’au stade du balbutiement et a encore beaucoup de choses à révéler.

Glodi P. Odimba

SOURCES :

https://www.google.com/url?sa=t&source=web&rct=j&opi=89978449&url=https://www.lemonde.fr/afrique/article/2007/11/09/le-discours-de-dakar_976786_3212.html&ved=2ahUKEwj9icnGxc2CAxUi7bsIHURwAigQFnoECBEQAQ&usg=AOvVaw0cUAgFEfmIreh-5it-AllJ

https://www.cairn.info/l-impossible-retour–9782845864740-page-35.htm

https://www.cairn.info/revue-le-debat-2020-1-page-178.htm

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