Femmes noires africaines : vendues par leurs compatriotes et réduites à l’esclavage

Elles partent avec l’espoir d’un avenir meilleur. Brisée quand elles reviennent. Des milliers de femmes noires africaines, originaires du Mali, du Cameroun, de Guinée, d’Éthiopie, ou encore de Côte d’Ivoire, tombent chaque année dans un piège cruel : celui de la servitude moderne, orchestrée bien souvent par leurs propres frères et sœurs de continent. Sous couvert d’une promesse d’emploi dans les pays du Golfe ou en Afrique du Nord, elles sont vendues comme des marchandises, sans le savoir, livrées à un quotidien d’abus, de travail forcé, et de silence.

Un départ guidé par la confiance… et la tromperie

Le point de départ est presque toujours le même : une promesse. Une agence de placement, un « contact de confiance », propose une opportunité de travail à l’étranger. Une femme, souvent très jeune, sans emploi, mère célibataire ou responsable du bien-être de plusieurs proches, accepte. Elle pense partir pour travailler comme domestique ou nourrice. On lui parle d’un contrat légal, d’un salaire régulier, de la possibilité d’envoyer de l’argent à sa famille et, surtout, d’une chance de changer sa vie.

L’offre paraît idéale. Trop belle pour être vraie. On lui assure qu’elle ira dans un pays stable, qu’elle y sera bien traitée, encadrée, protégée. Mais ce que ces femmes ignorent, c’est qu’au moment où elles montent dans l’avion, elles sont déjà vendues.

Derrière ces promesses, se cache un réseau bien rodé. Ce sont souvent des compatriotes, hommes ou femmes, qui servent d’intermédiaires. Ils savent parfaitement ce qui attend ces femmes à l’arrivée : la confiscation de leur passeport, les coups, l’enfermement, l’exploitation sexuelle ou domestique. Et pourtant, ils continuent, motivés uniquement par l’argent. À leurs yeux, ces femmes ne sont qu’un produit parmi d’autres, une marchandise qu’on livre contre commission.

Le plus révoltant, c’est que ces recruteurs ne sont pas toujours des inconnus. Parfois, ce sont des voisins, des connaissances, ou même des membres de la famille. Aveuglés par l’appât du gain, ils vendent du rêve à ces femmes et les livrent à une réalité bien plus sombre.

Une vie volée derrière les murs des maisons arabes

Le départ est l’étape la plus difficile. Le vrai calvaire commence dès que ces femmes arrivent dans les pays de destination : Liban, Arabie Saoudite, Koweït, Émirats, Maroc où elles espèrent un avenir meilleur. Dès leur arrivée, tout change. Elles sont accueillies par leurs « employeurs » qui les attendent, parfois en nombre, prêts à les « recruter » comme si elles étaient des objets. Celles qui arrivent dans ces pays avec l’espoir d’une vie meilleure se retrouvent souvent privées de liberté. Confiées à des familles dans un système juridique appelé Kafala, elles sont soumises à des conditions inhumaines et sont livrées à leurs employeurs, sans aucun droit. Elles n’ont plus aucune autorité sur leur propre vie.

Ces femmes se retrouvent à travailler jusqu’à 20 heures par jour, dorment parfois sur le sol, mangent les restes des repas, sont traitées comme des objets. Leur passeport est confisqué dès leur arrivée, rendant toute fuite quasiment impossible. Elles sont sous contrôle d’autrui, isolées de tout, sans aucune possibilité de communication avec leurs proches. Les abus commencent alors. Elles sont battues, insultées, privées de nourriture, forcées à travailler dans des conditions extrêmes.

Les témoignages de ces femmes sont horrifiants. Par exemple, le témoignage de Marie, une femme d’origine camerounaise, raconte son calvaire au Liban après avoir été recrutée par une agence de placement en Afrique :

« Je suis arrivée au Liban avec l’espoir de travailler et de pouvoir envoyer de l’argent à ma famille. Mais dès que je suis arrivée, mon passeport m’a été pris. Je n’avais plus aucun moyen de repartir. Mes heures de travail étaient interminables, et je ne pouvais même pas me reposer correctement. Si je faisais une erreur, j’étais battue. Je ne pouvais pas fuir. Si j’essayais de partir, on me menaçait de me dénoncer à la police et de me faire emprisonner. »

Les victimes sont prises dans un système sans issue. Une fois leur passeport confisqué et leur liberté restreinte, ces femmes ne peuvent pas fuir, et si elles tentent de le faire, elles risquent la punition, l’emprisonnement ou même la mort.

Un système complice et silencieux

Les responsables de ce trafic humain ne se trouvent pas uniquement dans les pays d’accueil. La chaîne de cette exploitation commence dans les quartiers populaires d’Abidjan, de Bamako ou encore de Yaoundé. Des agences de placement non déclarées, mais connues de tous, opèrent librement. Elles sont parfois dirigées par des Africains eux-mêmes, qui profitent de l’ignorance, de la précarité, et du « silence culturel » entourant ces questions.

Les autorités locales ferment souvent les yeux sur cette situation, soit par négligence, soit en raison de la corruption. La peur d’un scandale international, l’inertie ou la complicité rendent l’investigation difficile. Les réseaux de recruteurs locaux continuent de prospérer, et les victimes ne reçoivent pratiquement aucune aide. Peu d’arrestations sont effectuées, peu de sanctions sont données. Les gouvernements ferment les yeux sur cette tragédie qui se déroule devant eux.

Quand la victime est trahie par les siens

C’est cela qui rend cette tragédie encore plus douloureuse : ces femmes ne sont pas seulement victimes d’un système étranger, mais aussi de leurs propres frères, sœurs, voisins. Elles sont vendues non par des étrangers, mais par ceux qui parlent leur langue, partagent leur foi, leur culture, leur histoire. Ces compatriotes jouent un rôle essentiel dans la mise en place de ce système d’exploitation. Cette complicité silencieuse rend la reconstruction plus difficile : à qui faire confiance, quand la trahison vient de chez soi ?

Les victimes se retrouvent dans un monde où elles sont séparées de tout repère : leur pays, leur famille, leur culture. Les abus sont tellement ancrés dans leur quotidien qu’elles perdent tout espoir d’échapper à leur situation.

Des lueurs d’espoir : mobilisation et résistance

Certaines femmes, après des années d’exploitation, retrouvent enfin la liberté grâce à des organisations qui facilitent leur retour et les soutiennent dans leur processus de réintégration. Des campagnes de sensibilisation commencent à émerger sur les réseaux sociaux, incitant les jeunes filles à être plus vigilantes et à ne pas se laisser séduire par ces promesses fallacieuses.

De plus en plus de victimes brisent le tabou et témoignent publiquement de leur calvaire. Elles mettent en garde les autres, dénoncent les agissements des recruteurs et font savoir que ce système d’esclavage domestique existe bel et bien. Ces voix courageuses donnent de l’espoir à d’autres femmes qui se retrouvent dans la même situation.

Mais cela ne suffit pas. Il est impératif que des lois plus strictes soient mises en place contre les recruteurs illégaux, qu’un suivi réel des agences de migration soit effectué, et que les gouvernements africains collaborent avec leurs homologues du Moyen-Orient pour combattre ce phénomène. La prise de conscience collective est essentielle : vendre une sœur, c’est se vendre soi-même.

Conclusion : Le devoir de se regarder en face

L’Afrique ne pourra prétendre à sa dignité tant qu’elle permettra que ses propres enfants soient vendus à l’étranger, avec la complicité de ses fils et filles. Cette traite moderne est un miroir cruel. Elle pose une question simple et brutale : jusqu’à quand allons-nous trahir nos propres sœurs ?

C’est un appel à l’action, un appel à la solidarité, à la prise de responsabilité et à la fin de cette forme d’exploitation. Les victimes de cette traite méritent non seulement notre soutien, mais aussi notre engagement pour un avenir où chaque femme noire pourra rêver d’un futur digne et libre.

💡 Le saviez-vous ?

Le système de Kafala, en vigueur dans plusieurs pays du Moyen-Orient (comme le Liban, le Qatar ou l’Arabie Saoudite), lie juridiquement un travailleur migrant à son employeur local, appelé « parrain ». Dans ce système, le travailleur ne peut ni changer d’emploi, ni quitter le pays, ni parfois même sortir librement, sans l’autorisation de son employeur. Cette dépendance absolue facilite de nombreux abus : non-paiement des salaires, confiscation de passeports, travail forcé, violences psychologiques ou physiques. De nombreuses organisations internationales dénoncent la Kafala comme une forme moderne d’esclavage.

💡 Pour en savoir plus

Pour approfondir la réflexion autour du parcours des femmes migrantes et découvrir des récits inspirants, explorez le rapport « Mapping Her Journey » publié par l’ONG DoBold, qui met en lumière leurs expériences, leurs défis et leurs forces. Vous pouvez également visionner une série de témoignages puissants disponibles en vidéo :

Témoignage 1

Témoignage 2

Témoignage 3

Témoignage 4

Témoignage 5

Ces ressources offrent un regard authentique et touchant sur les réalités vécues, favorisant une meilleure compréhension et reconnaissance de leurs épreuves.

Mariam

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