
C’est avec dégout mais sans surprise que, comme vous tous j’ai pris connaissance du verdict de l’appel du procès autour de la mort de Sanda Dia lors de son baptême d’entrée au Reuzegom de la KUL.
Les 18 accusés ont été condamnés à des peines de travail allant de 200 à 300 heures ainsi qu’à 400 euros d’amende. Pour vous donner une idée : si vous fraudez le train pour la deuxième fois, vous risquez une amende de 500 euros. Si vous êtes condamnés pour un vol sans violence ni menaces, vous risquez jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 500 euros d’amendes à multiplier par les décimes additionnels (x 8 actuellement).
Vous l’aurez compris, la peine prononcée me semble particulièrement inappropriée et légère. Ce qui est encore plus révoltant, c’est que plus tôt durant cette semaine, un créateur de contenus flamand a fait une vidéo où il a divulgué le nom de certains des accusés (ce qu’il ne peut/doit pas faire) et qu’il s’expose de ce fait à des sanctions plus lourdes que les personnes condamnées dans l’affaire Dia.
Mon avis est le suivant : cette affaire, ce jugement et le traitement politico-médiatique qui lui a été accordé cristallisent les biais raciaux de notre système judiciaire et confirment l’existence d’une justice de classe.
En effet, la Belgique porte les traces de son ancien statut de grande puissance coloniale et en tant que telle, elle est le théâtre des impacts et influences contemporains de son histoire sur une série d’enjeux. Cette colonialité implique des préjugés, des stéréotypes et des comportements biaisés … de façon explicite et implicite.
Malgré l’évolution de la société, le passé affecte toujours lourdement l’imaginaire collectif à plusieurs niveaux. Et je m’interroge : dans quelle mesure et pourquoi/comment le système judiciaire ainsi que ses acteurs pourraient faire exception à cela ? Par exemple : sachant que l’âge moyen d’un magistrat est de 49 ans on parle donc de personnes qui ont probablement entendu des récits ventant les mérites de la colonisation et ses corollaires.
Ces biais raciaux peuvent se remarquer autant lors de l’attribution d’une peine à une personne afrodescendante, qui a tendance à être punie plus sévèrement notamment en subissant des peines plus longues (de l’ordre de 20% aux USA de 2010 à 2016) ou plus facilement être envoyée à l’isolement, qu’à la condamnation qui sera plus légère pour des crimes et délits commis contre des personnes afrodescendantes notamment un meurtre ou une agression dû aux biais racistes qui nous déshumanise et nous considère comme faisant parti du monde criminel ce qui donnerait moins de valeur à nos vies.
D’autre part, la frustration ressentie vient aussi du constat d’existence d’une justice de classe. En ce sens, on ne peut nier que deux classes sociales se sont opposées dans cette affaire. D’un côté, les personnes condamnées, des bourgeois, blancs. De l’autre, la famille de Sanda représentée par son papa, qui est afrodescendant et de classe moyenne. Cette différence d’origine sociale fait que les familles des condamnés ont pu notamment faire appel aux meilleurs avocats flamands, de plus un des condamnés est le fils d’une juge anversoise et l’affaire a finalement été jugée à la cour d’appel d’Anvers (donc même arrondissement judiciaire mais pas le même tribunal). J’imagine donc mal une partialité complète. On aura plus facile à croire que le juge a été influencé par ses biais et que l’appartenance des condamnés à la même supposée classe sociale que lui… il en découle une sanction clémente car autrement, il risquerait de « gâcher l’avenir » de ces « futurs médecins ou ingénieurs ».
Cette façon de penser équivaut pour moi à dire que la mort de Sanda n’est qu’une erreur de parcours, que ça n’est pas grave et qu’elle ne doit pas entacher leur avenir pour autant. Et, j’estime que cette position est confortée par la décision du juge d’inscrire l’affaire sur le casier judiciaire des condamnés mais ça ne sera pas visible pour un futur employeur.
L’intersectionnalité entre classe sociale et race est selon moi, omniprésente ici. Et elle est susceptible d’amener à des jugements bien plus durs en fonction des conditions et attributs de la personne sur le banc des accusés. Notamment lorsqu’il s’agit de jeunes défavorablement racisés, qui par exemple, ne bénéficient pas de l’anonymat ou de la défense par des ténors du barreau. Et c’est ce qu’on a pu observer notamment durant l’été 2020 avec la bagarre qui a eu lieu sur la plage de Blankenberge où plusieurs jeunes ont été placés en détention et où le système judiciaire a de manière très rapide pris des décisions qui par la suite ont été considérées comme mauvaises. Je pense notamment à la détention d’une jeune de 18 ans qui par la suite a été cassée par la Cour de cassation car cela violait la présomption d’innocence.
Dans le cas cité au-dessus, les juges n’ont pas l’air de s’inquiéter d’impacter l’avenir de ces jeunes alors qu’à mon sens c’est dans ce genre de cas que les juges devraient être plus humains et comprendre que leur décision à un impact immense.
Pour toutes ces raisons, l’affaire Sanda Dia met à la vue de tous par son verdict extrêmement clément que le système judiciaire belge peut faire preuve de racisme et de « classisme ». Cela me laisse un goût amer, tout en me faisant perdre foi en notre système judiciaire car il y avait là une occasion de créer un précédent pour les cas de baptêmes universitaires déshumanisants.
Thomas Ahossoude, le Binabi et le BAN (Binabi Alumni Network)

Attention! Rien ne sera inscrit vraiment sur le casier, hormis la peine de travaux d’intérêts généraux, et inaccessible à la plupart des gens. Mais s’ils refusent cette peine, alors seulement le casier marquera la peine de prison dont le délai fait pleurer.
Je partage en tous points votre opinion, par ailleurs.
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