« Le Syndrome Méditerranéen » : un mal de plus en période de crise sanitaire ?

La pandémie de COVID-19 qui frappe actuellement le monde, domine l’actualité et rythme nos vies depuis déjà plus de huit mois. Cependant, au regard de cette crise sanitaire, il est essentiel de placer au sein du débat la problématique du « Syndrome Méditerranéen » qui affecte le monde médical depuis des années.

Le « Syndrome Méditerranéen » est communément défini comme étant un stéréotype culturel, à dimension raciste, du monde médical, où les professionnels soignants accusent les personnes d’origine maghrébine, africaine subsaharienne ou d’autres minorités ethniques d’exagérer leurs symptômes et douleurs, entraînant une défaillance dans la prise en charge médicale de ces populations.

Des arguments culturalistes avanceraient que les populations méditerranéennes auraient tendance à exprimer leurs douleurs plus ouvertement, voire de façon plus exagérée : c’est là que les préjugés racistes entreraient en jeu dans la prise en charge de ces patients.

En effet, si le personnel soignant part du principe que le patient a une façon d’exprimer sa douleur de manière « plus exagérée », en se basant uniquement sur sa culture ou son origine ethnique, alors ce personnel sera plus susceptible de minimiser le ressenti et la gravité de l’état de santé de son patient. Si à cela s’ajoutent le caractère soi-disant « plaintif et douillet » de ces patients, considérés ainsi comme des « patients plus difficiles » ainsi que la barrière de la langue dans certains cas, une prise en charge correcte de ces patients sera alors bien plus compliquée.

En décembre 2017, l’affaire Naomi Musenga avait provoqué l’indignation. En effet, alors que Naomi contactait les urgences, se plaignant de fortes douleurs au ventre, l’opératrice du SAMU de Strasbourg qui lui répondit fit preuve d’un véritable mépris envers la patiente, ne la prenant pas au sérieux et minimisant son appel à l’aide. Cette négligence a été lourde de conséquences, puisqu’elle coûtera la vie à Naomi. L’affaire est décrite comme un drame, mais malheureusement le dédain subi par Naomi Musenga dans les dernières heures de sa vie est un phénomène répandu dans le milieu médical, comme en témoigne une actualité plus récente au Canada.

En septembre dernier, Joyce Echaquan, issue de la communauté des natifs Canadiens Atikamekw de Manawan, est décédée à l’hôpital de Joliette au Québec dans des circonstances troublantes. En effet, une vidéo largement diffusée sur les réseaux sociaux quelques temps après le drame, a permis de dévoiler que la patiente a été victime de propos racistes et dégradants émanant du personnel soignant peu avant son décès.

Au regard de ces incidents, qui ne font que se multiplier et particulièrement en période de crise sanitaire, une question se pose : les patients racisés sont-ils sérieusement écoutés dans leurs maux ?  Le serment d’Hippocrate énonce :  « Au service de mes patients, je favoriserai leur santé et soulagerai leurs souffrances. (…) Je veillerai à ce que des convictions politiques ou philosophiques, des considérations de classe sociale, de race, d’ethnie, de nation, de langue, de genre, de préférence sexuelle, d’âge, de maladie ou de handicap n’influencent pas mon attitude envers mes patients ». Il est donc intéressant de se demander si de tels vœux sont respectés quand des patients se voient moqués ou méprisés en vertu de leur couleur de peau ou de leurs origines.

Quelles solutions peuvent donc être trouvées face à une telle problématique ? Sur les réseaux sociaux, le partage d’un annuaire de médecins racisés, supposé pallier au risque d’être confronté à un médecin raciste, a provoqué la polémique et a été accusé de perpétuer une forme de communautarisme.

Toutefois, si un tel annuaire n’était pas amené à voir le jour, l’ASBL MRAX (Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie) explique qu’il faudra dès lors travailler à déconstruire les préjugés et stéréotypes racistes qui nuisent aux relations humaines et publiques, mais aussi apprendre à respecter les différences portées par une société multiculturelle.

Pour ce faire, des moyens concrets devront être mis en place, sous le prisme des différences biologiques propres à chaque ethnie et à chaque couleur de peau. Il sera également essentiel de normaliser la présence d’interprètes dans les hôpitaux, de diversifier les personnels médicaux, ainsi que d’améliorer les conditions de travail de ce personnel médical, qui se sentant surmené opère parfois des tris dans les patient.e.s, les amenant à en négliger certain.e.s.

Florence BABE TUYISHIME

Crédit Image : https://lequotidien.lu/actualites/deces-de-naomi-musenga-la-procedure-au-samu-de-strasbourg-pas-conforme/

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