Aujourd’hui, je vous invite à plonger avec moi dans l’univers engagé et captivant de Mariama Bâ, cette figure emblématique de la littérature sénégalaise. Née en 1929 et décédée en 1981, Mariama Bâ est une féministe qui se bat à travers ses textes et ses discours pour l’éducation et les droits des femmes. Après son expérience du mariage, elle s’engage plus particulièrement pour la reconnaissance des défis auxquels sont confrontés les femmes mariées au quotidien.¹ Son roman « Une si longue lettre », que j’ai eu le plaisir de découvrir en octobre 2023, met en lumière la réalité des femmes sénégalaises et porte leur voix.

Comme son titre l’indique, « Une si longue lettre » est un roman épistolaire avec Ramatoulaye en tant que narratrice. Après le décès de son mari, elle se confie à sa chère amie, Aïssatou, en évoquant les différentes étapes de sa vie et les épreuves qu’elle a traversées. Cette lecture est fondamentalement féministe, car elle met en lumière la voix et la parole des femmes. Ramatoulaye se libère en partageant ce qu’elle a gardé en elle pendant trop longtemps. Ainsi, la puissance de ce livre réside dans ce dévoilement, cet échange d’une femme à une autre. Être immiscé au sein d’une discussion entre deux amies nous permet de ressentir une proximité assez rapide avec les personnages. Elle évoque dans sa lettre, les années qui ont suivi l’indépendance du Sénégal, période durant laquelle elle était une jeune étudiante rêvant de changer le monde. Cependant, elle réalise rapidement que malgré les changements politiques, « […] le pouvoir de décision restera encore longtemps aux mains des hommes ».²

Cette lettre, écrite en période de deuil suite au décès de son mari, Modou Fall revient sur leur rencontre, leur vie commune, les défis qu’ils ont affrontés et la décision qui a changé à vie leur couple ; celle de Modou d’épouser une deuxième femme. La question de la polygamie est l’une des principales traitées dans ce livre et est vécue par Ramatoulaye comme une véritable trahison. De plus, cette seconde épouse de l’âge de leur première fille, ramène de nouvelles questions sur les différences d’âge, la préservation de la « dignité » des femmes ainsi que cette pression sociale qui pèse sur les femmes mariées pour maintenir les apparences et faire comme si tout allait bien.

En ayant pour destinataire Aïssatou, ce roman raconte l’histoire de deux femmes aux destins différents. Aïssatou a aussi eu une vie de femme qui n’était pas de tout repos, mais elle a fait des choix audacieux et a préféré le divorce à la polygamie, ce qui était quelque chose de peu conventionnel pour une femme de son époque. Toutefois, bien que Ramatoulaye soit décrite comme une femme soumise aux normes sociales, elle reste un personnage fort qui refuse ces normes, une femme qui ne laisse pas son statut guider sa vie : « Je survivais. Je me débarrassais de ma timidité pour affronter seule les salles de cinéma […] On dévisageait la femme mûre sans compagnon. Je feignais l’indifférence, […] Je mesurais aux regards étonnés, la minceur de la liberté accordée à la femme ».³

En conclusion, ce roman est un grand classique de la littérature africaine que je vous invite tous à lire. Il m’a beaucoup touché et a modifié ma façon de penser sur de nombreux sujets. « Une si longue lettre » peut convenir à tout type de lecteurs puisque d’autres thèmes comme celui de la politique, de l’éducation ou encore de la religion sont abordés dans ce récit. Toutefois, j’ai décidé d’en faire une lecture féministe, car comme disait Mariama Bâ elle-même, « Si être féministe signifie révéler les tares d’une société, alors je le suis ».

¹ Wikipédia, (2024), Mariama Bâ, WIKIPÉDIA, https://fr.wikipedia.org/wiki/Mariama_Bâ 

² BÂ M., (1979), Une si longue lettre, Paris, Nouvelles éditions africaines

³ BÂ M., (1979), Une si longue lettre, Paris, Nouvelles éditions africaines

Bibliographie :
BÂ M., (1979), Une si longue lettre, Paris, Nouvelles éditions africaines
Wikipédia, (2024), Mariama Bâ, WIKIPÉDIA, https://fr.wikipedia.org/wiki/Mariama_Bâ