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De tout ce qui aura été amené en Afrique par la colonisation, c’est sans doute sur les langues qu’il sera le plus difficile de tirer un trait. En effet, en plus de faire partie intégrante de notre quotidien, elles nous dictent un mode de vie et, à plus grande échelle, une culture. Alors comment, en tant que membre de la diaspora, vivre son africanité tout en réfléchissant dans la langue d’un autre ?
Qu’il s’agisse de l’anglais, du français ou du portugais, la langue dans laquelle nous nous exprimons aujourd’hui nous a été imposée en son temps. Or, « imposer sa langue, c’est aussi imposer sa manière de penser » disait Claude Hagège, linguiste français d’origine tunisienne. De plus, le langage a d’autant plus d’importance que notre continent a longtemps fonctionné selon la tradition orale. La transmission des savoirs, des récits ou encore de la sagesse des aînés; tout s’effectuait par la communication verbale. Nous serait-il alors impossible de réellement comprendre notre culture et nos traditions sans avoir une connaissance parfaite de nos idiomes d’origine ?
Heureusement, non. Le premier défi est cependant de réussir à passer outre la mauvaise réputation de certaines langues (le lingala, par exemple, est encore considéré comme une langue de domestiques ou de voyous en RDC) pour en apprendre plus sur soi-même et son ethnie, et ce, non dans un but de repli identitaire ou de tribalisme mais de compréhension de sa propre histoire. Puisqu’il s’agit là de l’enjeu majeur de toute quête identitaire. Comment peut-on savoir où on va si on ne sait pas d’où l’on vient?
Pr. Dr. Sene Mongaba: « Quand on lui parle de sa langue maternelle, il [l’intellectuel africain] pense qu’on veut le faire retourner dans la brousse (…) à l’état sauvage ».
Ensuite, un autre problème, plus profond, se pose, celui du complexe d’infériorité. Prenons les écoles primaires, toujours en RDC. L’enseignement officiel s’y fait, certes, dans la langue française mais pourquoi interdire aux élèves de s’exprimer dans leur langue maternelle respective si ce n’est parce qu’elles sont traitées comme inférieures ? Si le phénomène est clairement observable en Afrique, il se fait plus subtil ici, au sein de la diaspora. Bien qu’il n’y ait aucun bannissement de nos langues originelles, la personne qui parle un français pincé ou un anglais approximatif sera inconsciemment considérée comme plus instruite que celle qui s’exprime dans un swahili parfait.
Se réapproprier nos dialectes peut sembler être une tâche colossale tant ils sont nombreux et, parfois, complètement différents de ce dont nous avons l’habitude – par leur structure notamment. C’est néanmoins un passage obligé pour la mise en place de l’Afrique de demain, plus grande et plus fière d’être ce qu’elle est.
Nyota
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