Grace Lokako, 22 ans, est rédactrice d’un blog à travers lequel elle nous partage son amour des mots. Originaire de la République Démocratique du Congo où elle a passé la majeure partie de sa vie, c’est aujourd’hui à Lausanne, en Suisse qu’elle réside et poursuit ses études de commerce.
Blog : www.gracelokako.com
Qu’est-ce qui vous a donné envie de créer votre propre blog ?
« J’ai toujours aimé écrire. Toute petite, j’écrivais des lettres chaque année à Noël aux membres de ma famille. C’était ma petite tradition. Il n’y avait pas, pour moi, meilleur cadeau que la joie que mes mots leur apportaient. Puis il y a deux ans, j’ai commencé à écrire des petits textes que je gardais pour moi. Et, il y a quelques semaines maintenant, j’ai envoyé un de mes textes à mes amies. Ça leur a beaucoup plu et elles m’ont encouragée à partager mes textes avec plus de monde. C’est de là qu’est venue l’idée du blog. »
Qu’est-ce qui vous inspire ?
« En ce qui concerne les articles que j’ai déjà publiés, mes sources d’inspiration sont principalement mon entourage, ma famille et mes amis. Je m’inspire aussi de sujets discutés à la télévision. Pour mon dernier article notamment, je me suis inspirée d’un dialogue de la série Dr. House. Et pour les textes à venir (que j’ai déjà rédigés), j’ai puisé mon inspiration dans mes expériences personnelles et dans les sujets actuels et pertinents de notre société. »
Nous vivons une époque assez cruciale où la libération de la parole des opprimés est plébiscitée. Quels sont les sujets de société qui vous inspirent et vous touchent actuellement ?
« Il y a une pléthore de sujets qui me touchent dans notre société actuelle. Mais si je devais en citer quelques-uns, je dirais : la place de la femme en Afrique, les inégalités salariales Homme-Femme, le chaos économique et politique en RDC et tout dernièrement l’abolition de la burqa en Suisse. »
Dans « You are your own sun », le premier texte publié sur votre blog, celui qui vous a révélée au grand public, vous écrivez « I am dedicating this to all women in the world ». Vous commenciez à peine et déjà vous posiez les bases de votre envie de parler de la condition féminine au 21ème siècle. Vous considérez-vous comme étant féministe ?
« Tu m’aurais dit « féministe » à l’époque où les femmes se battaient pour obtenir le droit de vote ? J’aurais dit oui. Dans les pays où la femme n’a toujours pas les mêmes droits que l’homme ? Encore oui ! Seulement aujourd’hui, le mot « féministe » prend une tournure qui s’écarte de mes convictions : il reflète davantage une envie d’être comme les hommes. Je ne suis l’égale d’un homme que dans la mesure où je mérite les mêmes droits et devoirs humains que lui, y compris, pour ne citer qu’un exemple , le même salaire pour le même travail. Mais en dehors de ce contexte, je ne me considérerai jamais comme l’égale d’un homme. Je ne suis pas féministe dans la mesure où je respecte tout autant la femme qui est ménagère et choisit d’élever ses enfants, que la femme qui rêve d’être astronaute. Nous sommes différents. Il n’y a pas un être supérieur à l’autre. Et je trouve que vouloir être perçue ou traitée comme un homme, c’est nier complètement la grandeur de la femme. »
Avez-vous un modèle que vous connaissez personnellement ou non?
« Si j’arrive à atteindre le quart de ce que valent ma mère et mes quatre grandes sœurs, je pourrai dire que j’ai réussi ma vie. »
Votre premier texte nous avait donné l’image d’une femme presque invincible. Dans votre deuxième texte “Love me when I’m naked”, vous apparaissez plus vulnérable. Dans quel exercice d’écriture vous sentez-vous plus à l’aise ? Celui de celle qui sauve ou de celle qui a besoin d’être sauvée ?
« Quand j’ai écrit « You are your own sun », j’étais menée par un sentiment de guerrière, j’étais une lionne qui n’avait peur de rien, je marchais sur la lune et voulais y emmener toutes les femmes. « Love me when I’m naked » n’est pas un appel au sauvetage, mais plutôt l’acceptation qu’on a le droit d’avoir mal. On a le droit d’avoir besoin de l’autre et cela ne nous rabaisse en aucun cas.
Les deux textes étaient faciles à écrire dans la mesure où je relatais des émotions que je vivais au moment de l’écriture. Les mots coulaient d’eux-mêmes. Mais il est clair que je préfère l’émotion qui émanait de moi lors de la rédaction de « You are your own sun ». »
Dans « one day, one room « , vous poussez les gens à vivre pleinement et à ne pas avoir de regrets. Vous y dites notamment « you only have today, You have 24 Hours so you don’t have time for regrets. » Diriez-vous que la devise Carpe diem est une philosophie directrice de votre vie ? Que serait pour vous une vie pleinement vécue ?
« « Carpe diem » oui et non. Oui parce qu’on est jamais sûr de ce que l’avenir nous réserve. La vie est faite de surprises, bonnes et mauvaises. Non parce qu’il est essentiel de prévoir à long terme pour évoluer et travailler dur dans le but de réaliser ses rêves.
Pour moi une vie pleinement vécue serait une vie sans regret. À partir du moment où on n’arrête de s’apitoyer sur son sort et qu’on assume ses erreurs, la vie devient une éternelle nuit d’été. »
Vous avez grandi à Kinshasa jusqu’à l’âge de 18 ans. Puis, vous vous êtes installée à Lausanne, en Suisse. Votre langue maternelle est donc le français. Pourquoi avoir néanmoins écrit ce blog entièrement en anglais ?
« Deux facteurs ont joué dans mon choix de l’écrire en anglais. Premièrement, certains textes sont personnels, certains faits me touchent particulièrement et je me sens plus à l’aise à l’idée de les partager dans une langue qui n’est pas la mienne. Ça m’enlève le poids de « l’exposition ». Deuxièmement, l’anglais est une langue qui touche une plus grande agglomération. J’élargis donc mon horizon en choisissant une langue parlée par plus de 50% de la population mondiale.
Anadja