Lorsque l’Afrique est évoquée dans les médias, le continent est très souvent associé à des images de guerre, de corruption ou encore d’extrême pauvreté. Ces caractéristiques constituent malheureusement le quotidien d’une grande majorité d’Africains. D’où l’importance, de temps à autres, de mettre en avant des personnes ordinaires dont les actions concrètes et l’immense générosité en font des êtres extraordinaires. C’est le cas du Docteur Denis Mukwege.
Son nom ne vous est probablement pas inconnu. Il est aujourd’hui invité par les plus grands dirigeants de ce monde, fait l’objet de documentaires ou encore de livres et s’apprête à recevoir le 10 décembre à Oslo le Prix Nobel de la Paix 2018, faisant de lui le 11ème Africain à recevoir cette prestigieuse distinction.
Cet homme, c’est le Docteur Denis Mukwege. Né à Bukavu dans la province du Sud-Kivu [Est de la République Démocratique du Congo], il s’est fait connaitre en parvenant à mettre en lumière l’utilisation du viol comme une véritable arme de guerre par les forces armées présentes dans la région.
En effet, l’Est de la RDC est plongé dans une guerre civile depuis plus de 20 ans. Lors de l’éclatement de ce conflit, l’hôpital Lemera, au sein duquel Denis Mukwege fût médecin directeur, a été complètement saccagé. Le Docteur a donc été forcé de fuir le territoire et de trouver refuge au Kenya, afin de se protéger lui-même ainsi que sa famille. Quelques années plus tard, il décida malgré tout de retourner dans sa ville natale et d’y fonder l’hôpital de Panzi : la fonction initiale de cet endroit se devait d’être une simple maternité mais au fil des évènements, l’hôpital devint un lieu de refuge pour de nombreuses innocentes, devenues les proies d’actes brutaux de torture et de viol.
Par le biais de son métier de gynécologue, le Docteur Mukwege est devenu le plus grand défendeur de la cause de ces milliers de femmes, réussissant à sensibiliser de nombreuses personnes à travers le monde quant aux atroces souffrances qu’elles subissent depuis déjà bien trop d’années.
Surnommé « L’Homme qui répare les femmes », tout comme le titre du documentaire qui lui a été consacré, Denis Mukwege assiste jour après jour à une barbarie sans nom. Cependant, il ne se contente pas de prodiguer à toutes ces femmes des soins exclusivement médicaux, il devient également une figure paternelle essentielle pour ces victimes. Il ne fait pas que les entendre, mais les écoute et cherche avant tout à ce qu’elles puissent à nouveau se sentir dignes d’elles-mêmes après avoir subi de tels traumatismes.
Ce combat, il le mène au péril de sa propre vie. En effet, le 25 octobre 2012, en se dirigeant vers son domicile, il sera victime d’une tentative de meurtre. Sa voiture sera incendiée, lui-même sera ligoté mais grâce au courage et au secours des gens de son village, il s’en sortira finalement sain et sauf.
Grâce à la médiatisation de ses actions, le Docteur Mukwege a été récompensé à de nombreuses reprises, que ce soit par l’Ordre National de la Légion d’Honneur en France, le Prix Roi-Baudoin en Belgique ou encore le Prix Sakharov du Parlement Européen. Ces abondantes décorations sont le reflet de l’immensité de son action mais également de la gravité de cette tragédie qui se déroule jusqu’à présent.
Dans une interview accordée à Paris Match en octobre dernier, le Docteur Mukwege confiera que « la femme joue un rôle moteur dans la société congolaise. Elle se lève le matin pour aller cultiver les champs, faire la récolte, puis se rend au marché en portant des fardeaux deux fois plus lourds qu’elle, elle ramène l’argent, paie les frais de scolarité des enfants, les soins médicaux… En détruisant les femmes, on détruit la société. Celle dont l’appareil génital a été détruit lors d’un viol est rejetée par sa famille, son mari. Elle est incontinente, ne peut plus enfanter et se retrouve au ban de la société ». Il ajoutera : « j’ai revu dans mon hôpital une femme que j’avais opérée après un viol. Redevenue continente [“sèche”], elle a regagné son village, est retournée aux champs… et a été de nouveau sauvagement violée. Aujourd’hui, elle ne veut plus quitter l’hôpital ». Cet évènement tragique relate le vécu d’une grande partie des femmes de cette région, et parfois même d’enfants : la plupart d’entre elles ont effectivement témoigné du fait qu’il leur est arrivé de tomber nez à nez avec leur bourreau, ce dernier continuant à mener sa vie en toute liberté et en toute impunité alors qu’il a détruit celle de sa victime. L’action du Docteur Mukwege prend ici tout son sens, à savoir réveiller les pouvoirs publics congolais qui face à ces actes sanguinaires, ont le devoir de trouver des solutions effectives et durables, permettant ainsi à ces femmes d’enfin se sentir en sécurité.
Le terme héros est notamment définit comme étant « un combattant remarquable par sa bravoure et son sens du sacrifice » : le Docteur Mukwege en est le parfait exemple. Malgré la surveillance permanente dont il fait l’objet, en raison des menaces qui pèsent sur sa personne, il ne baisse pas les bras, continue à mener cette lutte avec pour seul envie : faire le bien autour de lui. Cet homme charismatique, qui a permis d’éveiller les consciences sur le terrible drame qui perdure encore dans l’Est de la RDC, est la définition même d’un Grand Homme, comme il en faudrait aujourd’hui plus dans ce pays.
Gladys Musongela-Nzeba.
Crédit image : https://www.journeefemmeafricaine.com/docteur-denis-mukwege-lhomme-absolu-du-31-juillet-2015/
Sources : https://www.parismatch.com/Actu/International/Denis-Mukwege-le-docteur-miracle-917773
https://www.hopitaldepanzi.com/dr-denis-mukwege