Le couple marié Kawaya possède plusieurs points communs. Premièrement, ils sont tous les deux diplômés en économie : monsieur, de l’Université Libre de Bruxelles et madame, de l’Université Catholique de Louvain. Deuxièmement, les deux ont, durant leurs études, fait partie d’un groupe d’étudiants afrodescendants. Dady a été président du Binabi et Anaïs, vice-présidente du Cec (Cercle des étudiants Congolais). Ils nous racontent, ensemble, leurs expériences au sein de leurs cercles respectifs, les bienfaits d’en fréquenter et leurs visions du futur pour les cercles dans une interview accordée au Binakuko.
Comment avez-vous découvert vos cercles ?
Anaïs : Pour ma part, j’ai été approchée par les membres du cercle qui nous en ont parlé lors de la journée d’accueil et j’ai directement été intéressée.
Dady : Moi, j’ai découvert le cercle de manière complètement différente puisque c’est mon père qui m’en a parlé avant que je rentre à l’ULB. Ensuite, arrivé à l’ULB, c’est en me liant d’amitié avec Eddy Mubiala (ex-président, interview disponible sur le site) que j’ai eu l’occasion d’entrer en contact avec le cercle durant l’année scolaire 2011-2012.
Pourquoi avoir choisi un cercle afrodescendant plutôt qu’un autre cercle d’étudiants ?
A : Tout d’abord, j’étais intriguée puisque j’ignorais qu’il y avait des structures qui rassemblaient les afrodescendants. J’avais la volonté de pouvoir partager des expériences avec des afro-descendants puisque je n’ai pas eu cette chance durant ma scolarité.
D : Je partage le même avis que ma femme. J’ajouterais juste qu’avoir les mêmes origines, les expériences similaires durant nos jeunesses, faire face aux mêmes difficultés, nous rassemble et nous a donné naturellement l’envie d’entrer dans ce genre de cercle plutôt qu’un autre.
Quel a été votre rôle au sein du cercle et comment celui-ci a-t-il évolué ?
A : J’ai commencé directement par être un membre actif : les actifs étaient ceux qui payaient des cotisations et participaient aux évènements. Aussi, il y avait des membres adhérents ainsi que les membres du comité. J’ai directement choisi de m’affilier au département sponsoring et networking pour offrir un support au comité pour la réalisation des évènements. Par la suite, on m’a proposé d’être vice-présidente, ce que j’ai accepté puisqu’il s’agissait de pouvoir faire le pont entre l’ancienne génération et la nouvelle.
D : J’ai commencé durant la présidence d’Eddy M. où j’étais responsable culture. Ma tâche était de préparer des évènements tels que le Diner Jambo qui est l’ancêtre du Gala binabi. (Rires) Ce n’était pas facile car il n’y avait pas vraiment de structure vu qu’on reconstruisait petit à petit le cercle. Plus tard, j’ai eu l’occasion d’être président par intérim puis président élu.
Dady, est-ce que le fait de savoir que ta partenaire était dans un cercle étudiant t’a aidé à structurer le cercle de l’ulb ?
D : Avec Anaïs, je partage tout dont mes envies et ambitions et à l’ULB, nous avions l’envie de relever le cercle, de créer une structure qui puisse perdurer. Sans nos comités, rien n’aurait pu se faire mais c’est aussi grâce aux échanges avec ma femme ainsi qu’avec le cercle CEC que nous avons pu y arriver. Je n’ai jamais vu les deux cercles comme étant des cercles rivaux et malgré les désaccords qui pouvaient exister, nous avions toujours pu entretenir de très bonnes relations. Petite anecdote : lorsque j’étais président et que Steve Mpoto était président du CEC, nous avions mutuellement organisé une flash mob en 2011 pour soutenir le peuple congolais.
Quels ont été les plus grands obstacles que vous avez rencontrés durant vos parcours respectifs dans les cercles ?
A : Le plus grand problème est, premièrement, d’ordre financier. Au début, les cercles ne bénéficiaient d’aucune aide et donc il fallait trouver un moyen pour s’autofinancer. Sans moyen financer, il était difficile de réaliser des évènements à la hauteur de nos ambitions. Deuxièmement, c’est le manque criant de crédibilité qui nous faisait défaut. Aux yeux des autres, malheureusement le cercle était vu uniquement comme un lieu de détente et d’amusement. On n’était pas pris au sérieux. Par conséquent, il fallait redoubler d’efforts afin de montrer qu’on pouvait non seulement réunir des étudiants pour une soirée mais également pour un événement culturel.
D : Dans le CECK (ancien nom du Binabi), nous rencontrions les mêmes problèmes mais il y a aussi un autre élément important qui était la patience. En effet, il fallait apprendre à être patient : savoir qu’on commence petit pour, plus tard, arriver grand. Privilégier la qualité à la quantité. Durant le premier café littéraire organisé par le Cec de LLN, ils avaient réussi à réunir 20 personnes et c’était très bien pour l’époque. Aujourd’hui, au Binabi il faut s’inscrire vite sinon, on risque de ne plus avoir de places. (Rires)
Dady, est-ce bien lors de ta présidence que le CECK est devenu le Binabi ? Pourrais-tu nous expliquer le pourquoi de ce changement ?
D : À l’origine, le CECK était un cercle qui était occupé uniquement par les étudiants de nationalité congolaise. Ensuite, il s’est ouvert aux autres étudiants, ceux qui, par exemple, étaient belges mais possédaient des origines congolaises. L’ouverture se faisait progressivement et nous pouvions voir des personnes d’origines ivoirienne, rwandaise, sénégalaise et autres. Par conséquent, on s’est demandé s’il était toujours logique de dire cercle des étudiants « congolais » alors qu’il y avait une très grande pluriculturalité. De plus, nous avions de nombreux retours lors de nos évènements, on nous faisait remarquer que c’était des évènements afrocentrés organisés par des étudiants issus de milieux divers. Personnellement, j’étais convaincu du bienfait de cette décision. En tant que panafricain, je ne pouvais pas penser autrement. Il n’y a pas d’Afrique sans RDC, ni de RDC sans Afrique. Et il me semble illusoire d’espérer peser politiquement et économiquement en étant divisés. Mais c’est uniquement après en avoir débattu en assemblée générale que la décision de s’ouvrir fut votée. Nous comprenions les arguments contre l’ouverture également. Je ne m’étalerai pas sur ceux-ci car ils peuvent nuire à l’organisation. Par conséquent, nous avons gardé certains éléments en références au passé comme par exemple un nom en lingala « Biso Na Bino » et un léopard en logo en référence aux origines congolaises.
Comment vos expériences associatives ont influencé vos vies professionnelles ?
A : Ça nous a permis de développer des « softs skills » comme on les appelle. Un tas de compétences qui nous permet d’avoir une certaine valeur ajoutée dans le domaine du travail. C’est en organisant des évènements, en contactant des entreprises pour avoir des sponsors, en prenant la parole devant une assemblée, en gérant un groupe qu’on développe ce type de compétences. Et c’est fortement utile dans le milieu professionnel.
De manière personnelle, quel avantage en retirez-vous ?
D : Pour moi, je retire un gain d’assurance, beaucoup de bons moments, de très belles rencontres et beaucoup de connaissances culturelles. J’ai, par ailleurs, le plus évolué grâce au cercle sur le plan de la connaissance de ma propre personne. Sur le plan de mon identité, celle d’un enfant de nationalité belge et d’origine congolaise.
A : Le cercle a été le point de départ de beaucoup de choses. C’est un lieu de réflexion, de rencontres. Le cercle est vraiment la terre de nombreuses opportunités qu’il faut apprendre à saisir.
D : J’aimerais aussi ajouter un élément et je pense qu’Anaïs est d’accord avec moi sur ce point. Nous avons appris vraiment la fierté : celle de nos origines, de notre histoire. Avant d’entrer dans le cercle, on avait les t-shirts Noir & Fier, on était jeunes et on écoutait du rap pour ma part. On arborait une certaine fierté. Cette fierté qui était plus en réaction aux discriminations plutôt qu’une fierté profonde.
Et pour le couple ?
A : C’est bénéfique d’avoir un partenaire qui se trouve dans un cercle puisque durant les années où on se construit en tant qu’adulte responsable, nous partagions une vision similaire et partagions de nombreux moments qui nous ont permis de grandir l’un et l’autre. Ça permet de parler de certains éléments qui nous concernent. Comme l’autre le vit également, ça permet de confronter les idées et s’enrichir mutuellement.
D : Rien à ajouter. (Rires)
Comment conseilleriez-vous un étudiant qui rentre dans un cercle tel que le Binabi ou le Cec ?
D : En priorité qu’il devrait penser à réussir ses études. Je lui dirais de ne pas se mettre de limites et de ne surtout pas baisser les bras face aux échecs dans la vie car il y en aura, c’est sûr mais les échecs font partie de la réussite.
A : Je lui dirais de saisir les opportunités qui s’offrent à lui.
M.A.D.