Des biens acquis dans le sang… quid de leur avenir ?

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Le 16 octobre dernier, le Parlement francophone bruxellois ouvrait ses portes aux citoyens pour une séance de débat, organisée par l’ASBL BAMKO, sur la question de la restitution des biens coloniaux. L’enjeu était des plus importants car cette problématique sensible et toujours latente touche à une culture, à une histoire et à un futur. Est-ce réellement une priorité pour la Belgique ? Que fait-elle concrètement pour aboutir à une restitution ?

 

Commençons simplement : Aimeriez-vous que l’on vous vole ce qui vous appartient ? N’est-il pas normal de restituer à une personne ce qui est à elle ? L’inverse n’est-il pas considéré comme un vol ? Questions rhétoriques me direz-vous, et pourtant, elles sont toujours débattues…

Guido Gryseels, directeur général du Musée royal de l’Afrique centrale à Tervuren (Belgique), a déclaré que des pourparlers étaient mis en œuvre avec le Congo afin de rendre les biens et corps qui y sont exposés. Ces négociations ne datant pas d’hier, pourquoi ne voyons-nous toujours pas d’avancées concrètes ?

Le musée – dans sa nouvelle version – s’excusera de la violation des sépultures et expliquera la manière dont elles ont été acquises… C’est-à-dire dans la violence et dans le sang. Il reconnaîtra également la responsabilité du musée dans la perpétuation de la pensée coloniale et s’inscrira dans un processus de décolonisation. Gryseels a cependant rajouté qu’« une fois les biens acquis par l’État, on ne peut pas les sortir de l’inventaire sans acte parlementaire». Au vu de la constitution de notre plat-pays, cela risque de prendre du temps. Aucun cadre juridique n’étant mis en place concernant les questions de restitution, le sort des biens coloniaux reste encore bien incertain.

Pour rappel, la question centrale de cette conférence était de savoir si, oui ou non, la problématique de la restitution était juridique. Julie de Groot, la présidente du Parlement francophone bruxellois, y a répondu par l’affirmative tout en précisant que c’était également une question morale. Louis-Georges Tin, premier ministre de l’État de la Diaspora Africaine, a rappelé qu’ « en ce moment, des enfants grandissent dans leur pays en ne pouvant se rattacher à rien, s’identifier à rien, en n’ayant rien expliquant leur histoire. C’est donc aussi une question morale et identitaire. »

Selon Mireille-Tsheusi Robert, présidente de l’ASBL Bamko-Cran, c’est également une question « spirituelle ». Elle justifie cela en expliquant que les congolais restent traumatisés, encore aujourd’hui, par la colonisation. Savoir que des des biens sacrés, de culte, de cérémonie ainsi que des squelettes, fœtus et crânes africains sont exposés avec désinvolture et appartiennent à l’Etat fédéral est donc une meurtrissure de plus.

Une incohérence a été pointée par Anne Wetsi Mpoma, historienne de l’art : Lors de tous ces rendez-vous, ces rencontres entre experts ou encore dans la nouvelle version de l’exposition, où étaient les congolais ? Les a-t-on fait participer ? Leur a-t-on demandé leur avis ? Il est flagrant que les premiers concernés ne sont clairement pas inclus dans ce qui concerne leur culture, leur histoire, leur passé et leur avenir.

Certains sujets devraient être prioritaires dans l’agenda si chargé de notre cher pays. Un peuple d’environ 80 millions de personnes – pour ne parler que du Congo – se voit refuser la possibilité d’avancer dans son processus de guérison à cause de lenteurs procédurales, actes parlementaires et autres gymnastiques juridiques. Ceci est encore un exemple du politique qui prend le dessus sur l’éthique et la morale.

À l’heure actuelle, il y a une minimisation de la question de la restitution. Nous ne pensons pas que les institutions réalisent à quel point cette question est un enjeu important pour ces pays d’Afrique mais aussi pour nous, la diaspora africaine, les africains vivant partout dans le monde. C’est une partie de notre histoire, de nos pays qui se trouve sur un autre continent. Une partie que l’on ne veut pas nous rendre pour diverses raisons, l’une d’entre elles étant le fait que les pays d’Afrique n’ont pas encore tout le matériel adéquat pour bien en prendre soin… Paternalisme avez-vous dit ?

Pour sortir de cet esprit de colonisation des biens, de nouveaux bâtiments sont construits, le musée est rénové… « L’habit ne fait pas le moine » dit-on. Ce n’est pas en changeant les façades, en peignant les murs, que ce qui fait le musée, ce qu’il a abrité, ce sur quoi il est fondé changera à son tour.

Je finirai par ces quelques questions : comment peut-on encore s’estimer être un État de droit, de justice lorsqu’on détient soi-même certains biens volés, pillés et ensuite, moraliser, réprimander les citoyens qui, finalement, font pareil ? Le devoir d’exemplarité aurait-il cédé la place à une hypocrisie décomplexée ? Le premier ministre de l’État de la Diaspora Africaine a, à juste titre, rappelé « que ces biens n’appartiennent pas aux ex-colonisateurs, eux se contentent de les garder chez eux mais plus encore, ces biens ne leur servent absolument à rien. »

Est-ce finalement un problème juridique ou plutôt politique ? Comme l’a dit la présidente de l’ASBL Bamko-Cran, « l’exposition de ces biens, c’est mettre l’Afrique à nu, c’est violer l’intégrité identitaire de l’Afrique ».

Ces biens seront-ils un jour rapatriés ? Pour être honnête nous pensons que cela prendra autant de temps que la construction de notre cher RER. Une seule demande est formulée : Si vous trouvez normal de rendre à César ce qui appartient à César alors rendez à mama Africa ce qui appartient à mama Africa.

 

Thorique Bénie Nkasia.

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