Le mouvement Nappy : Un mouvement capillaire aux racines politiques et culturelles.
Le mouvement Nappy, bien qu’un mouvement esthétique, est aussi une revendication politique et culturelle. En portant leurs cheveux naturels, ces femmes noires affirment être fières de leurs origines. Un mouvement qui séduit en Europe, surtout en France et en Belgique.
« Don’t touch my hair » chantait en 2016 Solange Knowles. Une ode aux femmes noires, notamment celles qui ont décidé d’être « Nappy ». Ce mot, qui a longtemps été utilisé aux Etats-Unis pour qualifier de manière désobligeante les cheveux crépus, a été réapproprié en France et en Belgique pour affirmer son appartenance à un mouvement : celui des cheveux naturels. Nappy est en effet une contraction des mots « Natural » et « Happy ». Pas moyen d’être plus clair, les femmes noires qui revendiquent ce mouvement aiment leurs cheveux et en sont fières.
Ce retour aux cheveux naturels, qui peut sembler banal à première vue, représente un parcours pour les jeunes femmes noires. « Quand on était petite c’était à base de défrisage pour avoir des cheveux lisses et aujourd’hui on se rend tous compte que ces produits et cette pensée sont néfastes pour nos cheveux», nous explique Maty, une étudiante de 21 ans. Et pour obtenir ces cheveux lisses, un seul moyen, le défrisage. Les produits défrisants ont longtemps dominés le marché capillaire noir, malgré leurs composants agressifs, qui peuvent, à terme, conduire à l’alopécie. Beaucoup font donc le choix de ne plus défriser leurs cheveux.
Un mouvement culturel aux origines politiques.
Plus qu’une expression esthétique, c’est aussi la revendication d’une identité culturelle. Juliette Sméralda, sociologue martiniquaise, explique dans son livre « Peau noire, cheveux crépu : l’histoire d’une aliénation » publié en 2005, que « le cheveu crépu est généralement présenté et décrit comme un cheveu malade par les professionnels de la coiffure ». Cette vision pousse de nombreuses jeunes filles à défriser leurs cheveux. Le retour aux cheveux naturels est donc une forme de rejet d’une pression sociétale.
Ce mouvement, que l’on voit de plus en plus en Europe, tient ses racines de l’Amérique des années 60. Les Black Panthers vont publiciser cette tendance en abordant fièrement leurs cheveux crépus, incitant ainsi de millions de jeunes Noirs à faire pareil. L’image d’Angela Davis, afro en avant, est reconnaissable de tous. Pourtant le mouvement disparait peu à peu dans les années 80 pour revenir en force dans les années 2000.
En France, le retour des cheveux naturels est moins politique et plus esthétique. « L’approche est différente », nous explique Juliette Sméralda. Le salon Boucles d’ébènes, qui en est à sa 7ème édition, popularise la mode des cheveux crépus. Aline et Marina Tacite, les deux sœurs afro-caribéennes à l’origine du salon, voulaient trouver un moyen de coiffer leurs cheveux sans les abimer. Le salon comprend maintenant « tout ce qui concerne l’esthétique noire ».
Dans les rues de Bruxelles, il n’est plus rare de voir des jeunes filles en afro, le crâne rasé, ou encore coiffé de façon à mettre en avant leurs cheveux naturels. Un engouement qui a poussé Karel à oser. « Tout le mouvement qu’il y’avait autour m’a vraiment poussée. Je voyais que mes cheveux étaient abimés, mais je n’osais pas sauter le pas. Ça m’a vraiment encouragée. », Dit-elle.
Une visibilité des cheveux naturels que l’on retrouve aussi dans les médias. Que ce soit Issa Rae dans sa série Insecure pour HBO, Lupita Nyong’o sur le tapis rouge, ou encore Janelle Monae, les stars noires n’hésitent plus à laisser de côté les artifices longtemps utilisés pour masquer leurs cheveux. Et ces stars influencent la jeunesse bruxelloise. « Faut le dire, la représentation montante de la femme noire naturelle dans les médias, ça aide ! », déclare Maty.
Effet de mode ou changement culturel ?
Il est difficile de savoir si le succès de ce mouvement en Europe n’est qu’un simple effet de mode ou représente un changement culturel durable. Pour Djena, 22 ans, ce mouvement est là pour durer car selon elle, en dehors des problématiques politiques et les débats culturels, la santé de ses cheveux est quelque chose qui va toujours lui être important. « On faisait souffrir nos cheveux alors qu’ils sont déjà beaux. », explique-t-elle. Et c’est bien ça l’enjeu des cheveux « nappy » : aimez ses cheveux tels qu’ils poussent, afin de mieux s’aimer soi-même.
Linda Naïcha.
Crédit image : http://www.fasoamazone.net/2017/01/18/mouvement-nappy-un-atelier-pour-apprendre/