Tendre l’autre joue?

 

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« Tu exagères, le mot négresse ce n’est pas si grave…surtout dans un cadre estudiantin », « ça va détends-toi, l’esclavage on en rigole pour dédramatiser », « rien ne dit que c’est parce qu’il est Noir qu’il a été arrêté… ».
Autant de phrases visant à rendre légers des problèmes qui sont loin de l’être. Parfois prononcées par nos propres frères/sœurs, elles reflètent une certaine mollesse face à des évènements qui portent pourtant atteinte à notre dignité en tant que communauté. Comment expliquer que l’on pardonne même l’impardonnable? Que l’on passe notre temps à défendre tous les opprimés, en se délaissant-nous-mêmes?

 

Tendre l’autre joue… jusqu’à quand?

Les causes

Premièrement, il n’est nul besoin de rappeler qu’à travers l’histoire, les afro-descendants situés aux quatre coins du globe ont connu des évènements que la psychologie moderne qualifierait de « traumas ». Ce passé de violences extrêmes en tous genres a fait de nous une communauté habituée à encaisser les coups, au sens propre comme au figuré. Il y a fort à parier que cette habitude a conforté les autres peuples dans l’idée que, peu importe l’ampleur du préjudice qui nous est porté, il n’y a jamais de représailles. De plus, des études menées par la cellule de recherche psychologique de Université de Lorraine à Metz affirment que les populations stéréotypées sont moins enclines à réagir aux différents traumatismes (en l’occurrence, bavures policières, actes de violences injustifiés, discriminations en tout genre), de peur de confirmer le stéréotype. Cette crainte de correspondre à la manière dont l’autre nous voit agirait donc en contradiction avec la volonté de réagir aux évènements et nous pousserait à tolérer l’intolérable sans broncher.

De plus, vous n’êtes probablement pas sans savoir que l’Afrique est un continent habité par des populations très différentes les unes des autres. Divisée, tantôt par ethnies, tantôt par ressources, elle est, aujourd’hui plus que jamais, une terre vaste et hétéroclite. Bien que cette diversité puisse être un atout majeur pour son développement, elle joue en sa défaveur lorsqu’il s’agit de défendre les intérêts des afro-descendants en tant que communauté unie. En effet, comment s’indigner de ce que nos frères subissent, quand on ne se sent pas réellement frères? Comment éprouver une réelle empathie pour les milliers de migrants traités comme des parias un peu partout en Europe, quand on les résume à leur origine? “Un Soudanais, un Erythréen”, ces appellations impersonnelles facilitent la désensibilisation et donc entraînent une certaine distanciation par rapport aux traitements, parfois abusifs, qui leur sont réservés, d’un côté de la méditerranée comme de l’autre.

 

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Enfin, force est de constater que bon nombre d’agressions, verbales comme physiques (affaire Théo), directes ou pas (affaire Pukkelpop) provoquent l’indignation sur les réseaux sociaux, font l’objet d’un hashtag, mais vont rarement plus loin. Pourquoi? Tout simplement parce qu’il y a une méconnaissance totale des lois en vigueur pour ce genre d’affaires et/ou une certaine méfiance envers le système judiciaire, qui nous empêche de porter plainte. Or, une connaissance, même sommaire, des lois régissant les actes haineux de type raciste ou xénophobe est indispensable pour pouvoir les combattre et les dénoncer de manière plus efficace. En outre, il est toujours bon de rappeler que oui, le racisme est bel et bien punissable par la loi belge.

 

Quelques lois à connaître…

La Loi tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie, en vigueur depuis le 30 juillet 1981 décrit précisément les peines encourues par les perpétrateurs d’actes discriminatoires. Amendes pouvant s’élever jusqu’à mille euros, emprisonnement entre un mois et deux ans, selon le degré d’implication; incitation à la haine, appartenance à un groupe ouvertement raciste, diffusion d’idées haineuses basées sur une hiérarchie des races, etc.

Tout aussi importante, la Loi portant le statut disciplinaire des membres du personnel des services de police, abrégée en Loi du 13 mai 1999 régit quant à elle la question des abus de pouvoir des fonctionnaires de police. Rétrogradation, suspension, démission d’office. Autant de sanctions applicables pour autant que la victime prouve que le policier a usé de violence sans y avoir été contraint, autrement dit, dans toute situation ne rentrant pas dans la définition de “légitime défense”.

Nous connaissons maintenant les raisons historiques et démographiques de notre tendance à ne pas riposter de manière radicale en tant que communauté. Nous avons acquis quelques notions de droit. Nous sommes désormais prêts à réagir de manière adéquate aux bavures et autres actes racistes à venir, en gardant toutefois l’espoir que le jour arrivera où on ne devra plus avoir à y penser.

 

Nyota.

 

Crédit images :

http://www.clique.tv/follow-friday-sanaa-k-le-retour/

https://socialistworker.co.uk/art/43155/Black+Lives+Matter+activists+block+central+London+streets

Sources :

http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg.pl?language=fr&la=F&cn=1981073035&table_name=loi

http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg.pl?language=fr&la=F&cn=1999051335&table_name=loi

• Research paper : « Trauma et culture : influence des facteurs culturels dans la rencontre traumatique et perspectives psychothérapeutiques », W.A. Houllé, J. Silès, P. Tarquinio, C. Tarquinio, Equipe de psychologie de la santé de Metz (EPSaM), unité de recherche EA 4360 APEMAC, UFR sciences humaines et sociales, université de Lorraine, centre Pierre-Janet. Metz (France), 2017

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