Participants à la parade nuptiale du Guéréwol, Woodabees (Niger)
Lorsque l’on parle de traditions ou de coutumes, nombre d’entre nous pensent à de vieilles pratiques ancestrales, parfois dépassées et en inadéquation avec un mode de vie moderne. Mais, est-ce correct de les limiter à cela ? Sont-elles réellement obsolètes ? Quelle est leur utilité dans le processus de construction d’une identité ?
La tradition est définie comme étant un “ensemble de notions relatives au passé, transmises de génération en génération” ou encore une “manière de penser, de faire ou d’agir, qui est un héritage du passé”.
La notion de passé est très présente dans les définitions, aussi bien que dans la façon dont nous la voyons.
Mais la tradition est beaucoup plus qu’un ensemble de pratiques désuètes qu’un groupe social a décidé d’intégrer à sa culture. D’ailleurs, toute pratique ancienne n’entre pas systématiquement dans le cadre de la tradition. Seul l’héritage que l’on souhaite garder parmi tout ce qu’il s’est fait dans le passé, sera transmis et perdurera sous le nom de “tradition”. Et, contrairement aux idées reçues, cette dernière est loin d’être figée dans le temps. Ainsi, selon François Pouillon, anthropologue français du XXème siècle, “elle n’est pas (ou pas nécessairement) ce qui a toujours été, elle est ce qu’on la fait être”.
Sur le continent
Comme mentionné dans la définition, ce qui fait la tradition, c’est la transmission. Bien que les jeunes des villages aient tendance à migrer vers les villes, les coutumes ne disparaissent pas toutes pour autant. Même dans les milieux urbanisés, certains moments importants de la vie comme les mariages, funérailles et même les repas sont encore très codifiés et certaines pratiques ne se perdent pas.
En effet, chaque clan a son chef coutumier, qui est censé être connu de tous et sert de référent pour les affaires propres à la tribu, comme les recensements, la gestion des litiges inter-familiaux, etc.
Malgré quelques nuances en fonction de la zone géographique, la famille, restreinte comme élargie, a une place prépondérante dans la vie et le développement des individus. Chaque membre a sa fonction et chacun connaît son rang. Par exemple, un oncle paternel et un oncle maternel ne se valent pas toujours car ils n’ont pas le même rôle auprès de leur neveu/nièce.
Il en va de même pour les repas. Un aliment ne vaut pas forcément l’autre et on ne prépare pas n’importe quoi pour n’importe qui. Ainsi donc, on réservera la tête du mouton ou les chenilles aux invités d’honneur respectivement dans le Nord du Cameroun et au Kasaï en République Démocratique du Congo.
Dans certaines parties du continent, les enfants qui atteignent la puberté sont tenus de participer à une initiation qui fera d’eux des hommes ou des femmes à part entière. Dans les pays musulmans, c’est également à cet âge-là qu’apparaît l’obligation de jeûne durant le mois du ramadan.
Autant d’exemples mettant en lumière la contemporanéité des coutumes, pourtant ancestrales.
Divinateurs Luba en pleine consultation, province du Katanga (RDC), 1989
Au sein de la diaspora
Il est évidemment plus difficile, pour les jeunes issus de la diaspora de se sentir concernés par les pratiques traditionnelles. Le déracinement, qu’il soit volontaire ou non, provoque un éloignement, tant physique que mental, vis-à-vis des us et coutumes de leur région d’origine. Cependant, il est indispensable pour la création de son identité, d’avoir des éléments culturels auxquels se rattacher.
Découvrez les mécanismes de transmission des coutumes ainsi que l’importance de celles-ci la semaine prochaine dans une seconde partie.
Nyota
Crédit image n°1 : “12 incredible African tribal traditions”, CNN, 5/12/2016
https://edition.cnn.com/2016/12/05/africa/incredible-tribal-traditions-africa/index.html
Crédit image n°2 : “LUBA”, Marie Nooters Robert, Cinq continents, 1997
https://kwekudee-tripdownmemorylane.blogspot.com/2014/08/luba-baluba-people-highly-spiritual.html
Sources :
- “QUELQUES COUTUMES ET TRADITIONS AFRICAINES; Célébrations, mariages, deuils,… », African Encyclopedy, 21/12/2010
https://traditions-afripedia.fandom.com/wiki/QUELQUES_COUTUMES_ET_TRADITIONS_AFRICAINES;_C%C3%A9l%C3%A9brations,_mariages,_deuils_… - https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/tradition/78903
- “Qu’est-ce qui fait de nous des êtres culturels ?”, C. Bury, 2/12/2011
https://www.nonfiction.fr/article-5251-quest_ce_qui_fait_de_nous_des_etres_culturels_.htm - “LUBA (BALUBA) PEOPLE: HIGHLY SPIRITUAL, BRAVE FOUNDERS OF PRE-COLONIAL AFRICAN KINGDOM OF LUBA AND THE LARGEST ETHNIC GROUP IN THE DEMOCRATIC REPUBLIC OF CONGO”, Auteur.e inconnu.e, 29/12/2014
https://kwekudee-tripdownmemorylane.blogspot.com/2014/08/luba-baluba-people-highly-spiritual.html - “La tradition n’est plus ce qu’elle était…”, Gérard Lenclud, Terrain [en ligne], 19 juillet 2007 https://journals.openedition.org/terrain/3195#tocto1n8