Fiscalité sur l’art contemporain, entre apport économique et préservation du patrimoine artistique

27.11 Marché artistique article binakuko novembre 2019 - Jihad - Correction

Market Lane par Ablade Glover, 2008 (oil on canvas)

Les revenus fiscaux sur les œuvres d’art contemporain en Afrique : voilà un sujet regroupant à lui tout seul des thématiques importantes, qui chacune d’elles prise à part a une importance majeure pour l’Afrique et sa place dans le monde actuel. En effet, les revenus fiscaux incarnent l’importance d’avoir une économie viable pour le continent mais également d’avoir en partie une stabilité sociale. Quant à l’art contemporain, il incarne l’énorme importance de l’art dans la préservation et la protection des diverses cultures et identités africaines, qui prennent une dimension particulière dans le monde actuel lorsque l’on prend en compte l’histoire coloniale du continent ainsi que la place de l’art dans cette histoire coloniale.

Lorsque ces deux thématiques se croisent, se lient et ne forment qu’une seule entité, on se retrouve alors face aux questions suivantes : comment utiliser un outil qui au départ a un rôle d’apport économique, pour protéger et préserver un Art ? Quel message cela donne au monde quant à la place de l’Afrique dans le monde ?

L’art contemporain africain est en plein essor depuis quelques dizaines d’années. Évidemment, cet essor ne signifie pas que ça ne fait que depuis quelques années que des artistes contemporains africains créent, NON ! Mais plutôt que depuis quelques années, le marché de l’art, principalement occidental, porte un intérêt à l’art contemporain africain. Au premier abord, cet essor dû à l’intérêt du marché de l’art occidental peut être interprété naïvement de manière positive en y voyant seulement cette exportation dans le monde de cet art et les gains que ça génère.

Cependant, lorsque l’on prend du recul sur ce phénomène récent, le regard devient moins naïf, l’avis plus nuancé et les interrogations fusent. En effet, on peut constater qu’en parallèle de cet « essor », les législations et lois fiscales liées à l’art n’évoluent pas à la même vitesse sur le continent Africain. On peut ainsi se demander : quel impact cette quasi absence de lois et législations fiscales concernant l’art a sur les artistes, leurs œuvres et le rapport du marché de l’art à l’art contemporain africain ? Comment le marché de l’art profite-t-il de cette défaillance et quel rapport de force cela engendre-t-il entre celui-ci et le milieu artistique africain ? Quelles solutions peuvent être mises en place et quelles conséquences peuvent-elles avoir ?

Afin de mener une réflexion sur certaines de ces questions, il est nécessaire de catégoriser les lois fiscales dans le milieu de l’art en 3 branches : lois en faveur de la protection des artistes, lois préservant les collections publiques et lois pour promouvoir les collections privées.

Quand l’on observe ce qu’il se passe dans les pays occidentaux, on constate que dans chacune de ces catégories des lois existent et sont définies de sorte à créer un système protégeant les artistes. Ce système favorise l’accroissement du patrimoine du pays en facilitant l’importation d’œuvres d’art et défavorise l’exportation en valorisant la possession d’œuvres d’art. Lorsque l’art contemporain africain est confronté à ce système et en étant non protégé par les pays africains, on se retrouve face un pillage à peine déguisé : les marchands d’art en Occident achètent à des prix dérisoires des œuvres d’artistes africains sans payer aucune taxe. Ils les revendent à des sommes astronomiques – sommes sur lesquelles les artistes ne perçoivent absolument rien – et profitent ainsi de ce système pour exporter d’Afrique milles et une œuvres avec une facilité absolue. Ces œuvres qui se retrouvent finalement dans des collections privées et publiques occidentales, enrichissant le patrimoine des pays occidentaux au prix de l’appauvrissement du patrimoine des pays africains.

Ainsi, il est nécessaire d’agir. Les pays africains doivent rapidement mettre en place des moyens fiscaux solides pour éviter ce pillage moderne. Ces moyens qui permettront également d’enrichir les caisses d’états, créant ainsi un nouveau secteur d’économie. En termes de symbolique, mettre des lois très solides donne un message fort face à l’histoire récente. Oui, l’Occident est encore en possession d’ouvres d’art, de symboles pillés lors de la colonisation, oui le combat est dur pour les récupérer mais face à cette histoire il est également nécessaire d’agir sur la création contemporaine. En protégeant ses artistes et son art, l’Afrique montre au monde que le temps de profiter de la richesse de ce continent doit cesser. Evidemment cela n’empêche pas l’art contemporain de pouvoir s’exporter dans le monde et de prendre une place de plus en plus grande dans le marché de l’art mondial mais ceci doit se faire dans la dignité et le respect et non pas sous forme de profit tel un cadeau empoisonné.

Enfin pour finir sur une note positive, je vous laisse ici une liste de galeries et festivals d’art contemporain sur le continent africain qui, je l’espère, feront partie du programme de vos prochains voyages.

PS : n’hésitez pas à faire un tour sur les différents sites internet, vous découvrirez énormément d’artistes qui vous feront vibrer : 

 

Guenaou Jihad

 

Crédit image : Ablade Glover, Market Lane, 2008 (oil on canvas) https://www.mutualart.com/Artwork/MARKET-LANE/BBEE9F5ED3D28D8F

 

Sources :

https://www.linkedin.com/pulse/les-revenus-fiscaux-qui-%C3%A9chappent-aux-etats-africains-wilson/?fbclid=IwAR3p-xrSlFiKSaOEVYUMCii37gCjs72vu2HtkYwBIKTN3ddTaiwgnCEoFmY

http://archives.lesechos.fr/archives/cercle/2013/01/18/cercle_63211.htm

https://www.weartpartners.com/regards-tournes-vers-scene-artistique-africaine/

https://www.galeriemamdouala.com/blog/2019/6/22/le-march-de-lart-contemporain-africain

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