Miss Algérie 2019, Khadidja Benhamou, a été victime de cyberharcèlement et de racisme anti-noir.
Les icônes de beauté montrées dans les médias tournent autour d’un seul et même profil : le type caucasien, blond, élancé et mince.
L’imprégnation est telle que cette icône est devenue un archétype de beauté féminine auquel toute femme doit se référer pour être considérée comme désirable. Plus on se rapproche de celui-ci, plus la beauté s’accroît.
Plusieurs mouvements se sont mis en place afin de lutter contre ce dictat dont notamment le mouvement “body positive” qui a eu un franc succès sur les réseaux sociaux et qui pousse les femmes à s’accepter telles qu’elles sont. Mais qu’en est-il de celui-ci lorsqu’il est rattaché à une histoire coloniale ? Qu’en est-il des répercussions de ce modèle sur les femmes africaines et afro-descendantes et de la perception de la beauté en Afrique et plus particulièrement en Afrique du nord ?
Cette volonté de vouloir tendre le plus possible vers le physique caucasien se remarque dans différentes pratiques existant chez les femmes africaines.
Au Maroc, une crème populaire du nom de Shirley est utilisée de manière quotidienne chez les familles de classe populaire. Cette crème, fabriquée à Taiwan donne comme seule indication qu’il s’agit d’une crème éclaircissante sans préciser la composition du produit. Elle est vendue librement sur le marché marocain, et ce, sans réglementation. Le CAPM (le Centre antipoison du Maroc) alerte sur l’utilisation de cette crème remplie de produits chimiques et rapporte de nombreux cas de femmes ayant subi des effets indésirables.
L’usage du fond de teint trop clair ou encore de la crème solaire à indice très élevé dans le seul but de ne pas bronzer permet aux femmes maghrébines de cultiver leur teint et de fuir le soleil sous de grands chapeaux et parasols.
Brushing et “Patcha” (technique utilisée qui consiste à enrouler les cheveux autour de la tête afin de les raidir) sont monnaies courantes. Les cheveux crépus ou bouclés sont rabaissés au terme “Hrach”, mot péjoratif qui signifie rugueux. Ils deviennent une abomination que l’on doit éradiquer par tous les moyens.
Le professeur d’histoire Yassine Alamy, co-fondateur du mouvement “Hrach is beautiful” qui cherche à valoriser le cheveu noir et crépu au sein de la communauté maghrébine, explique ce rejet : “Ils [les nord-africains] ne prennent pas conscience que dénigrer les physiques avec des cheveux bouclés, crépus, une peau noire est une forme de complexe du colonisé, analyse le prof. Ils répandent les fantasmes orientalistes diffusés lors de la colonisation, qu’ils critiquent pourtant chaque jour…”
Cette aversion du cheveu crépu au Maghreb témoigne du rejet des Maghrébins de leur africanité et d’une part de leur histoire.
Imaan Hammam, mannequin internationale d’origine marocaine et égyptienne, ayant les cheveux “hrach”
Dans les salons de coiffure populaires, des lissages plus toxiques les uns que les autres sont plus mis en avant que des produits appropriés aux cheveux bouclés ou crépus, majoritaires dans cette partie du continent.
De nombreuses femmes afro-descendantes et africaines se plient au modèle de beauté euro-centriste propagé notamment par la colonisation et largement diffusé par les médias africains. Ce phénomène est présent tant en Afrique du nord qu’en Afrique sub-saharienne. Il meurtrit des femmes déjà mal dans leur peau qui, par manque d’identification et par purs mœurs, s’adonnent à ces pratiques dénaturant leur identité. Celles-ci les plongent dans un chemin miragineux censé les mener vers ce physique si éloigné du leur, à en oublier jusqu’à leur essence propre.
Il n’est pas possible pour ces femmes de pouvoir vivre pleinement leur identité en prenant conscience de leur beauté si cette valorisation est absente dans la société. Pire, quand cette réalité est vilipendée dans leur propre pays.
Sa peau foncée et ses cheveux crépus n’ont pas fait l’unanimité auprès des Algériens qui, aux vues de certains tweets, ne renvoient pas à la beauté algérienne ni à l’Algérie elle-même.
En effet, selon certains, elle ne serait pas “assez blanche” pour représenter l’Algérie. Cette approche fait écho au colorisme qui hiérarchise les couleurs de peau en favorisant les peaux les plus claires.
Tête haute, sourire aux lèvres, et couronne fièrement exhibée, Khadidja Benhamou a répondu à ses détracteurs avec calme et aisance : “Il n’y a pas de différence entre les couleurs de peau et il ne faut pas juger une personne avant de la connaître”.
Khadidja Benhamou et bien d’autres encore sont le reflet de femmes libérées, conscientes de la dictature de ces standards de beauté qui empêchent les femmes de remarquer leurs particularités et de les assumer pleinement.
La femme africaine est belle avec ses traits, ses cheveux, sa couleur et toute l’histoire que ses particularités renferment. Sortir des griffes des normes imposées par une société n’est pas simple mais une fois ce travail accompli, le sentiment de reconnexion avec soi est si fort qu’un retour en arrière est impossible.
Yasmine T.
Crédit image n°1 – Khadidja Benhamou :
Crédit image n°2 – La technique “Patcha”:
Crédit image n°3 – Imaan Hammam :
Sources :
- http://aujourdhui.ma/focus/shirley-une-creme-dangereuse-pour-la-peau-69707
- BONNIOL (J.-L.), « Beauté et couleur de la peau », Communications, vol. 60, Beauté, laideur, sous la direction de Véronique Nahoum-Grappe et Nicole Phelouzat-Perriquet, 1995, pp. 185 à 204.
- Yellow Fever (court-métrage) de Ng’endo Mukii
- TSA – Tout sur l’Algérie, https://youtu.be/x7tDB0iyOB8
J’aime bien
J’aimeJ’aime