Kavena Gomos, 23 ans, étudiant, mais avant tout étoile montante de la scène slam et rap de Bruxelles, membre du collectif Slam SLAMEKE et du collectif artistique QUE DU LOVE, sera l’un des invités performeurs de l’incontournable Gala annuel du cercle « Biso Na Bino » qui aura pour thème cette année « l’Art Africain ». Pour l’occasion, Kavena s’est prêté au jeu de l’interview afin de faire sa connaissance avant sa performance et de découvrir ce qu’il nous réserve comme show.
Peux-tu te présenter en quelques mots pour nos lecteurs ?
« Alors je m’appelle Kavena Gomos aka Le Dauphin. Après il y a encore toute une suite, mais je vais quand même la faire. Donc … moi c’est Kavena Gomos, aka le dauphin aka le poète aka l’artiste aka le dauphin qui surf sur les flows, flow, F.L.O.W (Rires), bon courage pour retranscrire tout ça (Rires). »
Aka Le Dauphin qui surf sur les flows, c’est un sacré titre (Rires) ! Pourquoi décider de te faire appeler le Dauphin et l’adopter comme nom d’artiste ?
« Le Dauphin, c’est sorti littéralement de nulle part, c’est-à-dire que c’était durant un Open Mic, il y avait un pote à moi qui était là et je lui ai dit pour m’annoncer « vas-y, blase moi le Dauphin », comme ça au hasard. À un deuxième événement, c’était encore lui, je lui ai dit encore « blase moi le Dauphin ». À un autre événement qui avait rien à voir, je voulais donner un autre blase, mais Le Dauphin est sorti encore une fois comme ça tout seul et du coup au fil du temps ça m’est resté. Les gens ont naturellement commencé à m’appeler le Dauphin, c’est fou j’étais pas prêt. Ça veut dire que si j’avais donné comme nom d’artiste « Clou », ça serait resté (Rires). C’est littéralement le hasard qui a tout fait à ce niveau-là et heureusement il a bien fait les choses parce que ça sonne bien (Rires). Par contre je me fais principalement appeler Le Dauphin pour les scènes où je slam. Quand je rap ce sera uniquement Kavena Gomos, qui est du coup mon vrai nom. Mon nom d’artiste varie en fonction des scènes, donc j’ai un nom pour chaque activité, mais par écrit ce sera la jonction des deux, « Kavena Gomos/Le Dauphin ». Du coup lors du Gala du Binabi, ce sera Le Dauphin, parce que je vais slamer. »
En tant qu’artiste, comment te définirais-tu, quel genre d’artiste es-tu ?
« Je me dis toujours que je suis un artiste poète, parce que dire que je suis rappeur, slameur, c’est trop long. Je suis un artiste poète et pourquoi poète ? Parce qu’un poète c’est quelqu’un à la recherche du beau et je cherche le beau à travers l’écriture. Par conséquent, je suis rappeur sur fond instrumental et slameur avec le rythme que j’apporte à mes textes. Dans les deux cas, j’utilise l’écriture, donc je me résume plus facilement en poète et en fonction des situations je spécifie. »
Comment as-tu débuté cette carrière ? D’où te vient ce talent, cet intérêt pour l’écriture ?
« En fait, j’ai deux débuts, un officiel et un officieux. L’officiel c’était en 2013, on faisait de la poésie à l’école et je me suis dit que je pouvais aussi écrire et du coup j’ai vraiment commencé à écrire. Je montrais mes textes à ma prof et elle aimait bien, alors tout fier de moi j’ai commencé à lui montrer à chaque fois mes poèmes et elle me disait à chaque fois quoi réarranger. Vraiment, à ma prof de français de l’époque je lui fais pleins de bisous (Rires). D’ailleurs, un jour elle m’a dit « tiens, va à cet événement de slam » et c’est comme ça que je suis devenu slameur petit à petit. Ça c’était pour ce qui est du début officiel. En ce qui concerne l’officieux, en vrai j’écris depuis ma sixième primaire. À l’époque j’étais amoureux d’une fille, (Rires) j’ai l’impression qu’on a tous commencé comme ça. Je lui écrivais que des poèmes, jamais je les lui ai montrés et même jusqu’à maintenant je n’ai jamais dit à cette fille que c’est elle qui m’a littéralement donné la passion. Ensuite, j’ai continué à écrire jusqu’à la première secondaire et puis le rap est devenu à la mode, je suis rentré dans le rap et puis, par la suite, j’ai interrompu tout ça pour me lancer dans la danse, parce que le jerk était à la mode. Je suis resté danseur jusqu’en 2013 où là, à la fois je continuais à être danseur, mais tout en reprenant l’écriture de plus en plus. Aujourd’hui, la danse c’est fini et je suis rappeur, slameur, poète. »
Quels messages essaies-tu de faire passer à travers tes textes, quel est ton objectif quand tu écris ?
« Franchement, au début j’ai commencé à écrire juste comme ça, ensuite en étudiant la poésie à l’école et je me disais « wesh on ne voit pas de poèmes où on traite de mes goûts à moi » et moi à l’époque j’étais amoureux de la femme noire, et les poèmes qu’on voyait c’était jamais des poèmes pour la femme noire, il y avait beaucoup de « oooh ses longs cheveux blonds », etc. J’ai commencé du coup avec un poème qu’on avait vu en classe que j’ai modifié en changeant le personnage principal en femme noire. La prof avait bien aimé ça, j’ai continué et maintenant j’écris pour qu’un jour un petit garçon qui souhaite envoyer un poème à sa petite amie qui est une fille noire et en cherchant sur internet un bon poème à lui envoyer, parce qu’il n’a pas les skills de lui en écrire un (Rires), en quelques clics, trouve Kavena Gomos et trouve pleins de poèmes sur la femme noire et lui en offre un et qu’elle soit là « oooh c’est mignon » (Rires). Plus sérieusement, j’écris littéralement pour nous revaloriser, revaloriser la personne noire, parce que je pensais qu’on était vraiment absent de la littérature et du coup je voulais faire tout faire pour être ce poète noir qui, lui, est présent. Après, au final, j’ai découvert qu’il y avait d’autres poètes comme Senghor, Césaire et j’en passe. D’ailleurs, mon poème préféré s’appelle « Femme Noire » de Senghor et quand je l’ai lu… woah je suis tombé tout simplement amoureux ! J’écris aussi au final pour moi. Au début, ça m’apportait de la libération, c’était pour libérer les frustrations de l’adolescence. Vraiment guérir les maux par les mots. Aujourd’hui, c’est plus quand j’ai envie d’écrire alors j’écris. J’ai une idée et puis je laisse reposer ça dans ma tête, quelques jours, quelques semaines, quelques années. J’ai des poèmes où j’avais juste une ligne depuis 2017 et récemment j’ai commencé à terminer tout le reste. Ça vient quand j’ai envie que ça me vienne. Je suis également capable de forcer le processus et de me dire « là j’écris un poème » et là j’écris. »
Quel serait selon toi le moment qui t’a le plus impacté dans ta carrière jusqu’à maintenant ?
« Je retiens un bon souvenir de presque toutes mes scènes, presque toutes… parce qu’au final les mauvaises scènes j’en ai retenu qu’une seule dans ma vie. J’en ai eu vraiment qu’une, c’était un jour où je faisais mon show et le MC m’a coupé. J’avais 30 minutes de show et j’avais préparé 26 minutes, en me disant que j’avais de la marge. Le gars m’a littéralement coupé alors que je n’avais pas fini mon set. Très révolté, très énervé, j’ai quitté la scène en criant partout et je m’étais carrément dit que j’allais tout arrêter, que c’était fini. Ça ne m’était jamais arrivé en tant qu’artiste d’être coupé comme ça et je m’étais senti mal et je voulais littéralement arrêter, parce que de toute façon j’avais beau enchaîner scène sur scène, ça n’avançait pas des masses pour moi, alors je me suis dit que j’allais me faire une petite pause ou plus du tout monter sur scène. Le problème, c’est que j’avais pris des engagements ailleurs et donc je m’étais dit que j’honorerais ces engagements. C’était à deux endroits, or après ça on a commencé à m’appeler pour faire des shows, alors qu’avant ça c’est moi qui devais appeler pour faire des scènes. On m’a rappelé, rappelé et encore rappelé et j’ai commencé à enchaîner scène après scène et du coup pour moi, aujourd’hui, chaque scène est importante : je vis chaque scène comme si c’était la dernière. Cette mauvaise scène a donc vraiment été un moment qui m’a marqué à vie, mais c’est à partir de là que tout s’est enchaîné pour moi. Aujourd’hui, je ne dois pratiquement plus appeler pour faire une scène. »
Tu as été contacté pour prester au Gala du Binabi dont le thème cette année est « l’ Art Africain », que nous réserves-tu pour l’occasion ?
« Je vous réserve quatre poèmes, il y aura également deux danseuses, donc ce sera une performance scénique incroyable, car j’aime vivre mes poèmes de manière très théâtrale. J’espère que ce sera très beau à entendre et à voir. »
Ce sera donc une performance en collaboration avec d’autres artistes, comme tu l’as dit deux danseuses et également avec l’artiste peintre Aurélie Kombo aka Bageato, comment comptez-vous travailler pour allier vos différents arts ?
« On travaille encore dessus, donc je ne peux pas vraiment te répondre, mais dans enchaînement, c’est Aurélie qui va commencer à peindre et quand elle aura fini, les danseuses viendront danser sur mes poèmes, puis je vais continuer sur fond de percussions, ce sera génial. »
Pour finir sur une note d’encouragement, quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui rêverait de rentrer dans le milieu du slam, du rap ?
« Bouge beaucoup. Ne sois pas un artiste de salon. N’hésite pas à bouger, sortir, demander des scènes, même si elles ne sont pas payées au début. N’hésite pas à te mélanger, envoyer des mails, faire des contacts, t’intéresser aux autres, qu’ils fassent le même art que toi ou un autre. »
Contact de l’artiste : @kavenagomos via Instagram
BABE TUYISHIME Florence