Aurélie Kombo Bageato, aka Bageato, 22 ans, étudiante en communication visuelle et artiste aux facettes et talents multiples, sera l’une des invités prestataires de l’incontournable Gala annuel du cercle « Biso Na Bino » qui aura pour thème cette année « l’Art africain ». Pour l’occasion, Aurélie s’est prêtée au jeu de l’interview afin de faire sa connaissance avant sa performance et de découvrir ce qu’elle nous réserve comme show.
Peux-tu te présenter en quelques mots pour nos lecteurs ?
« Je me présente, je m’appelle Aurélie, mais mon blase d’artiste c’est Bageato, c’est le deuxième nom que ma mère m’a donné. Pourquoi choisir Bageato ? C’est mon nom, ça fait référence à ma mère, ça a un côté ancestral. J’ai 22 ans, je suis étudiante en communication visuelle, graphisme. Je suis la cadette d’une famille de 4 enfants et on a pratiquement 9 ans d’écart à chaque fois entre nous. Si vous voulez en savoir plus sur moi, il suffit d’observer mes frères et sœurs, je suis un mixte d’eux. J’ai grandi avec eux, j’ai pratiquement été éduquée par eux, mes valeurs me viennent d’eux et de ma mère vu que c’est avec elle que j’ai grandi. Je suis une personne assez humble, créative qui vit dans son monde, dans sa propre bulle. J’aime assez la solitude, c’est important pour moi ça fait partie de mon processus artistique et psychologique. Je suis quelqu’un d’aimant, calme, à l’écoute des autres et prête à rendre service sans attendre quoi que ce soit en retour. Pour finir, je suis quand même assez ambitieuse et combattante, comme nos ancêtres et je suis sans cesse dans la réflexion, je crois que c’est lié à mon côté créatif. »
Qu’est-ce qui t’a poussé à faire de la peinture ?
« Quand j’étais petite je faisais du dessin. Je dessinais bien, mais je n’étais pas un petit Picasso. En finissant les secondaires, je savais ce que je ne voulais pas faire, c’est-à-dire que je ne voulais pas finir derrière un bureau ou finir médecin ou avocate et je ne me sentais pas encore capable de foncer dans des études artistiques à 100%. Alors, je me suis dit que j’allais faire du graphisme, car j’en avais entendu parler et ça m’intéressait de me lancer là-dedans. J’ai été à Albert Jacquard à Namur où j’ai fait ma première année en art digital. Cela comprenait de l’illustration, du graphisme, du web design, de la 3D, de la 2D, de l’animation. Ça a vraiment été super enrichissant, car on y apprenait beaucoup de choses et ça m’a beaucoup servi quand j’ai quitté cette école pour m’inscrire à Saint-Luc à Bruxelles. C’est à Saint-Luc que j’ai véritablement commencé à faire de la peinture. J’y avais un cours, c’était du concept, où on me poussait à expérimenter avec différentes techniques à travers des installations. D’ailleurs, j’avais un prof, un fou malade (Rires). Il était sympa, mais c’était quelqu’un qui nous poussait à bout. En école d’art, si t’es pas prêt à donner ton âme pour ton art, tu peux juste sortir. »
Est-ce que la peinture est ton seul domaine d’expression en tant qu’artiste ?
« J’ai expérimenté plusieurs choses en étant à Saint-Luc. J’ai poursuivi le dessin à travers des natures mortes, le nu. J’ai également appris à dessiner avec du fusain. Je crois que le fusain est sans doute la technique dans laquelle je sens que mon expression peut aller vraiment très loin et on peut d’ailleurs retrouver certaines de mes œuvres au fusain sur mon Instagram. J’ai aussi débuté la photographie à Saint-Luc, c’est vraiment mon deuxième kiff. D’ailleurs, j’ai un projet photo, Moboti, qui me tient beaucoup à cœur et qui est encore en cours, car je veux en faire un livre et plein d’autres choses. En gros, je suis vraiment ancrée dans l’art graphique sous toutes ses formes. »
Wow, tu es très polyvalente dans ce que tu fais, du coup comment te qualifierais-tu en tant qu’artiste ?
« Je pense que je suis une artiste assez contemporaine et afro. Depuis l’école d’art, mes projets ont toujours été tournés vers l’Afrique. Ma source d’inspiration première c’est vraiment l’Afrique, tant au niveau des tissus, des couleurs, le rapport aux produits, etc. Je ne pouvais pas m’empêcher de l’incorporer dans mon travail. En tant qu’artiste, j’ai le sentiment de travailler dans l’air du temps, mais tout en prenant en considération ce qui s’est fait par le passé, l’héritage qui nous a été légué. Il est important pour moi de prendre en considération ce passé, de l’ingérer et d’en faire quelque chose à ma sauce. »
Dirais-tu que tu cherches, à ta manière, à moderniser les traditions africaines que t’as pu étudier ?
« Oui, dans le sens de les rendre plus accessibles, qu’on ait une autre vision, un autre œil là-dessus, parce qu’il y a des choses qui sont très anciennes mais qui sont modernes en même temps. Si on prend l’exemple de l’architecture, le design africain est impressionnant. Rien que dans nos coiffures ancestrales aussi, d’ailleurs j’avais fait un projet de dessin là-dessus. J’ai le souhait de moderniser, apporter un regard d’afrodescendant, mais sans pour autant m’accaparer cet art et l’occidentaliser, ce n’est vraiment pas ça l’idée. C’est vraiment une volonté de lui redonner une fraîcheur. Et puis même si on modernise, il y a des choses qu’on ne peut pas supprimer. C’est du recyclage, mais un recyclage très minime, tu gardes beaucoup l’essentiel. »
Tu fais également du body painting, par conséquent tu travailles avec le corps. Que représente le corps pour toi ?
« Alors le corps c’est un temple, c’est sacré. Le corps est juste ce qui est palpable et visible, mais il transmet ce qu’il y a à l’intérieur aussi d’une certaine façon. De manière générale, le corps représente pour moi la base de tout, mais en même temps ce n’est tellement rien, parce que c’est avec ton âme que tu t’envoles. Ton corps reste, il devient terre et ensuite il sert à la nature. Et pourquoi le body painting ? Avec mon projet photo Moboti, l’objectif était en fait de former un masque et un corps qui ne font plus qu’un. L’idée était de ne même plus voir le corps, mais d’y voir un masque vivant et non pas un corps vivant portant un masque. Au début, ce n’était pas du painting à proprement parler, parce que je mélangeais ma peinture avec de la farine et de l’eau pour donner cet aspect de terre, avoir un rendu argileux. Je m’inspirais vraiment des masques de certains peuples qui utilisent cette technique. Tout ce projet c’est pour rappeler encore une fois l’aspect ancestral, car ma source d’inspiration c’était les masques que j’ai décidé de me réapproprier. D’ailleurs, Moboti ça veut dire les ancêtres, les aïeuls en lingala. Ce projet, c’était aussi ce contraste entre la lumière / l’ombre, le masque / le corps. Il y a six masques qui ont été sélectionnés pour un nom en Français et en Kibenza, la langue natale de ma mère. Chaque masque a une caractéristique en rapport avec la posture de la personne ou la personne même qui a posé. Comme nom on a l’humilité, la féminité, l’arrogance, la persévérance, la solitude et puis la sérénité. J’ai vraiment le souhait que quand les gens les regardent, ils sentent et comprennent pourquoi je les ai nommés ainsi. Voilà c’était ça l’idée du body painting (Rires). »
Quel message essaies-tu de faire passer à travers tes différentes œuvres ?
« Mon objectif est toujours de faire passer un message, que ce soit lié à l’amour, à la réflexion positive, un message qui donne au spectateur l’occasion de lui aussi s’exprimer et apporter une forme de vérité et de guidance. À la base, je ne suis pas une personne qui a un naturel de leader, mais je pense que si j’acquière de plus en plus de compétences et de savoirs, alors il y aura un moment où je vais devoir assumer cette place-là, parce que c’est ça aussi être un artiste, tu influences malgré toi les autres. C’est important pour un artiste de se dire qu’on a une influence, un impact et faut donc faire attention à ce qu’on dit et fait. Si t’as un message à faire passer en tant qu’artiste, sois clair !»
Tu as été contactée pour prester au Gala du Binabi dont le thème cette année est « l’Art Africain », que nous réserves-tu pour l’occasion ?
« Ce que NOUS allons vous proposer (Rires), car on sera trois sur la performance. Il y aura tout d’abord Kavena qui va réciter, puis ensuite Annie pour la danse qui sera ma muse vu que je vais la peindre. L’idée sera qu’en fonction du texte que Kavena va citer, Annie dansera en rythme et le body painting que je lui ferai sera sa parure. L’idée est que chacun avec nos propres projets, on arrive à offrir une performance vivante. Pour moi, le but ce sera de faire vivre le masque que je ferai à travers la danse et le texte. D’autant plus qu’à la base, je devais tout simplement peindre, mais je voulais apporter une autre dimension pour que ce soit plus perçant. »
Pour finir, comment tu dirais que vos trois arts tout à fait différents s’articuleront pour ne former qu’une seule et même performance ?
« Tous les trois sont des arts différents en effet, mais on a chacun ce côté africain qui nous lie qu’on le veuille ou non. On a également ce côté très féminin. Personnellement, je travaille beaucoup sur la femme et les textes que Kavena va réciter portent également sur la femme. Quant à Annie, elle est elle-même une femme, mais elle a également ce côté très sensuel, très attirant, captivant. Enfin, dans ce qu’on fait respectivement, on a nos outils et on se débrouille bien, on est très authentiques et je pense que c’est ça qui fait que la performance peut marcher. Au final, ce qui fait qu’on est lié, c’est qu’on a chacun notre ambition et qu’on a des points communs dans nos inspirations et nos thèmes. »
Contact de l’artiste : @a.km.b via Instagram
BABE TUYISHIME Florence