« La musique est un langage universel ». Cette phrase est la conclusion d’énormément de discussions qu’on peut avoir avec des musiciens et elle le fût également lors de ma rencontre avec le groupe Dakka Zahara. Commencer par cette conclusion est une évidence car cette phrase est le contexte le plus large et le plus essentiel de tout ce qui peut être dit de tout artiste musicien. Cette essentialité qu’elle représente n’efface en rien et ne fait pas l’ombre aux différentes particularités musicales, sociales, historiques ou personnelles d’un musicien, une musique ou d’un genre musical.
Ainsi le groupe Dakka Zahara se veut à la fois porteur d’un message d’universalisme à travers sa musique et à la fois porteur d’un héritage culturel ancestrale tout droit venu du Maroc, traversant ainsi la méditerranée pour prendre vie ici en Belgique sous une forme mélangeant traditionalisme, modernité et identité des membres du groupe.
Le groupe Dakka Zahara est un groupe de 7 personnes, né en 2014 à l’initiative de jeunes bruxellois d’origine marocaine, passionnées par les différents genre musicaux tout droit venu du Maroc. En effet, chaque membre avait son propre bagage artistique personnel, ce qui a permis d’avoir un groupe d’autodidactes qui évolue dans le partage mutuel des connaissances (des différents genres, différents instruments, etc.). Ceci a donné au groupe une identité aux multiples facettes, pouvant jouer et faire vivre des musiques venant de différentes régions du Maroc :
- la Dekka merrakchia tout droit venu de la région de Marrakech et née sur les scènes de théâtre traditionnel de Marrakech;
- le chaabi signifiant littéralement « populaire » est le genre musical traditionnel le plus répandu dans tout le Maroc;
- Aissaoua né au sein des confréries mystiques Aissaoua tout droit venue de la région de Meknès;
- Le Gnaoua, né au sein des confréries mystiques Gnaoua;
- Et Reggada genre musicale qui vient tout droit de l’est du Maroc.
Ces nombreux genres de musiques permettent au groupe de jouer dans plusieurs types d’événements avec des attentes musicales différentes : mariages, baptêmes, galas, parades de carnaval, événements culturels, etc. permettant ainsi à tout public de s’y retrouver.
Le groupe Dakka Zahara, comme dit plus haut, donne une importance à l’universalisme de la musique. Cette importance se traduit concrètement par des collaborations avec d’autres musiciens ayant une identité musicale différente pour donner naissance à des créations artistiques mélangeant les genres et prouvant cette capacité de communication et d’union à travers la musique. Parmi les projets du groupe, le plus important est le projet porté par l’Asbl met-X qui a pour but de faire collaborer des fanfares traditionnels belges et la Dekka Merrakchia.
Mais derrière ce beau résultat qu’est le groupe aujourd’hui, il y a énormément de travail, d’apprentissage, d’évolution et de constantes remises en question. De plus, tout cet apprentissage se fait totalement sans la moindre partition. Faisant ainsi de l’oreille, le seul moyen de transmission de ce savoir. Une autre difficulté qui accompagne cet apprentissage est la disparité et parfois la rareté des sources, rassembler les différents répertoires et être également à jour sur l’évolution de ces répertoires au Maroc. Il s’agit d’un travail continu qui nécessite une certaine imagination et motivation : du voyage au Maroc à la rencontre d’artistes locaux aux recherches sur internet, tous les moyens sont utilisés par le groupe afin d’avoir un répertoire complet fidèle aux traditions et à leur évolution.
La multitude de facettes du groupe rajoute également une difficulté : apprendre à jongler entre les genres différents, chacun ayant des rythmes, des arrangements et des instruments spécifiques nécessite des répétitions et un apprentissage rigoureux. Par exemple, maîtriser un nouvel instrument pour un membre nécessite en général une année d’apprentissage. En plus de cet apprentissage continu pour chaque membre du groupe, des répétitions hebdomadaires sont organisées afin d’avoir un travail régulier en groupe.
Avoir un tel groupe demande ainsi un travail énorme et un investissement personnel au quotidien. Pour tenir sur le long terme il est nécessaire d’avoir des motivations profondes. Ce qui fait que le groupe est ce qu’il est aujourd’hui est une envie de transmettre au public belge un savoir et un art venu du Maroc. Cette envie de transmission s’accompagne également d’une envie d’avoir une attache particulière aux terres d’origines, la musique étant une forme non inscrite dans le temps et l’espace qui permet d’avoir ce lien. Au-delà de ces envies liées aux particularités même de la musique jouée par le groupe, il y a également des envies plus personnelles mais générales que beaucoup d’artistes ont : l’envie de faire de l’art et l’amour de l’art, la volonté de s’ouvrir au monde via l’art et d’ouvrir son esprit grâce la pratique de l’art et la curiosité du monde qu’elle fait naître en nous.
En ce qui concerne l’évolution du groupe, celui-ci souhaite évoluer artistiquement en créant des musiques qui sont la fusion de genres traditionnels marocains et de chansons de rap et R&B car le groupe souhaite profondément répondre à la demande des jeunes qui sont en demande de telle fusion. Certains membres souhaitent également évoluer plus dans certains genres comme le Gnaoua qui a la particularité d’être un genre apprécié pour les projets de fusion de genres musicaux.
En plus de ces évolutions artistiques, le groupe est également en réflexion sur la manière de transmettre ce savoir à de plus jeunes dans les années à venir afin de perpétuer cet art car le groupe est actuellement le groupe de Dekka le plus jeune en Belgique.
Guenaou Jihad