« BLACK EXCELLENCE » : objectif, défi ou piège pour la communauté Afro-descendante ?

L’excellence noire – ou « black excellence » – était un sujet controversé il y a quelques années. Cette expression, qui continue à être intrigante, constitue beaucoup de choses à la fois, que ce soit un slogan, un hashtag, une injonction ou encore un objectif de vie.

Plus que les photos du rappeur Diddy dont sont rognées les personnes ne correspondant pas à sa conception de la « black excellence », c’est l’adage suivant, entendu notamment dans la série « Scandal », qui semble être le plus parlant pour illustrer le concept d’excellence noire : « You have to be twice as good as them to get half of what they have », à savoir qu’il faudrait être doublement meilleurs qu’eux, c’est-à-dire les non-noirs, pour obtenir la moitié de ce qu’ils ont, faisant ainsi référence à une forme de racisme systémique.

Cette phrase, qui peut sembler anodine, parle à de nombreux Afro-descendants vivant en Europe ou encore aux États-Unis. En effet, certains parents ou figures d’autorité tendent à inculquer un culte très poussé de l’éducation et de la réussite scolaire aux dernières générations d’Afro-descendants. Ces exigences sont souvent plus difficiles à satisfaire que celles imposées par les responsables de leurs camarades de classe, mais sont aussi partagées par des parents issus d’autres communautés, notamment asiatique.

Cette recherche absolue d’excellence scolaire pourrait s’expliquer par une volonté de permettre à ces enfants d’échapper à la reproduction d’inégalités sociales mais aussi de tirer une immense fierté de leurs accomplissements. Cette nécessité serait également un moyen de leur assurer une situation socio-économique meilleure que celle des parents eux-mêmes. En effet, ces derniers estiment souvent qu’une situation de vie plus confortable permettrait à leurs enfants d’être épargnés des formes de discrimination les plus violentes, telles que l’incarcération massive et monétisée des Afro-descendants (aux États-Unis principalement), les cas de violences policières, la discrimination à l’embauche ou au logement et autres micro-agressions courantes, voire banalisées. Sans le savoir, une autre forme de violence symbolique est ici reproduite : l’idée que les Afro-descendants ne seraient jamais assez bons. Le seul moyen d’échapper à cette réalité serait donc de se tuer à la tâche, tout en précisant que c’est l’intellect qui serait ici convoquée lorsque c’était la masse musculaire des ancêtres qui l’était au temps de l’esclavage.

L’excellence se définit ainsi par différents critères, comme la quête de perfection ou le fait de se démarquer, qui lorsqu’ils sont associés à la communauté noire poussent à déconstruire ce concept. En effet, le dernier critère cité consistant en l’idée de sortir du lot, il implique une mise en compétition des individus entre eux. Cela renvoie malheureusement à des époques de dominations raciales, telles que celles de l’esclavage ou de la colonisation, où certains noirs se devaient de se démarquer des autres afin d’obtenir les faveurs du maître ou du colon.

Pourtant, beaucoup s’offusquent de la manière dont certains Afro-descendants ayant « réussi » exhibent des signes extérieurs de richesse, alors que ces pratiques s’inscrivent simplement dans une continuité symbolique de démonstration de la réussite. Pour autant, les défenseurs d’une version déconstruite de l’excellence noire estiment que ce concept doit être défini comme « un état d’esprit où nous reconnaissons que nous devons, nous-mêmes, trouver des moyens ingénieux de nous élever constamment, jusqu’à ce que nous soyons sortis de cette situation désavantageuse où nous avons été maintenus pendant des siècles ».

L’excellence noire ne peut donc se résumer à un hashtag ou à une compétition : elle doit avant tout être une prise de conscience. Elle est au cœur de l’Histoire des Afro-descendants, au travers de ses nombreuses figures et talents scientifiques et culturels, résistants ou encore humanistes qui prennent la place qui leur revient dans la mémoire collective de l’humanité. Elle est aussi présente dans la vie quotidienne, avec des proches, des inconnus, des célébrités Afro-descendantes qui invitent à entrer dans des espaces et des milieux auxquels les ancêtres n’auraient pas eu accès. Il sera donc de la tâche des prochaines générations d’Afro-descendants, qu’ils soient étudiants, travailleurs ou entrepreneurs de se construire, de s’instruire mais aussi de surmonter les micro-agressions ainsi que les diverses injustices auxquelles ils seront confrontés, afin de façonner le monde de demain.  Comme le disait si bien Harriet Tubman, figure Afro-Américaine qui, via un chemin de fer souterrain, organisa la libération de milliers d’esclaves aux Etats-Unis, malgré le fait qu’elle ne sache ni lire ni écrire : « Chaque grand rêve commence avec un rêveur. N’oublie jamais qu’il existe en toi la force, la patience et la passion pour atteindre les étoiles et changer le monde ».

S.M.K.

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