Avec la médiatisation de plus en plus grande des violences policières suite, notamment, à l’affaire George Floyd (aux USA) mais aussi à l’affaire Adama Traoré, les espaces politique et public français sont plus que jamais amenés à s’interroger, se positionner sur le sujet de la discrimination dans tous ses aspects.
Néanmoins, pour aborder ces questions, une base de données est nécessaire. Celle-ci pourrait, par exemple, indiquer le pourcentage de personnes racisées en France, leur proportion dans les conseils d’administrations du CAC 40 ou même leur proportion dans les contrôles établis par la police. Et c’est là que se trouve le nœud du problème puisqu’en France, les statistiques ethniques sont interdites.
L’interdiction des statistiques raciales (loi informatique et liberté, 6 août 1978) est liée à l’héritage universaliste français mais également au recensement des juifs durant la seconde guerre mondiale. Cependant, cette interdiction est à nuancer. On peut réaliser des études sur la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l’intégration en se basant sur des données objectives, comme le nom, l’origine géographique ou la nationalité antérieure à la nationalité française.
La manière de traiter les minorités en France n’a rien à voir avec la manière qu’ont les Etats-Unis ou le Royaume-Uni. Ces états ont un autre héritage culturel qui ne se base pas sur un système du vivre ensemble universaliste colorblind, mais plutôt sur un système race conscious où le communautarisme existe et où les gens ont des différences mais sont sujets aux mêmes droits en théorie.
Les politiciens français ont tendance à présenter la société américaine et sa culture race conscious comme négative car opposée à leurs valeurs universalistes. Cette vision de l’universalisme a été qualifiée d’universalisme national et consiste en un universalisme « anti » anti-raciste, qui souhaite à tout prix garder le particularisme national français par le monde culturel et intellectuel. Un des exemples de cet universalisme national est le combat contre le voile, qui porterait atteinte à la laïcité.
En France, généralement, les problèmes qu’on pourrait considérer comme étant liés à l’ethnie ou à la race vont être pris sous l’angle de problématiques liés à la classe sociale ou à la zone géographique. Par exemple, les ZEP. Ce sont des zones d’éducations prioritaires qui – via des investissements dans les établissements scolaires – ont pour objectif de corriger l’impact des inégalités sociales et économiques sur la réussite scolaire. Eh bien, elles se trouvent en général dans des zones avec une grande proportion de personnes racisées.
En bref, l’interdiction concernant la mise en place de statistiques raciales est un des exemples concrets de l’héritage universaliste français qui s’oppose au modèle communautariste et color conscious américain. Cette vision colorblind universaliste de la société empêche la résolution des problèmes liés à la discrimination raciale, notamment en ce qui concerne les contrôles de police. Car nier ces différences ne fait pas disparaitre les problèmes liés à celles-ci, mais permet juste de les passer sous silence.
Thomas Ahossoude